samedi 22 janvier 2022

James WHISTLER : « Le Pont de Battersea »



Il fut le « monsieur rare, prince de quelque chose » de Mallarmé. Il se produisit dans les salons mondains de Londres et de Paris en habit colleté haut, mais sans jamais porter de cravate, prince calme et glorieux de l’élégance. Il arrivait en retard dans les dîners les plus sélects où, tout à coup, retentissait sa voix sonore et rauque. « C’est WHISTLER », disait-on tranquillement. Petit, la chevelure noire, une mèche blanche au milieu du front, il faisait bizarre, mystérieusement dandy, polémiste, paré d’un monocle à ruban de moire et un peu « ancien régime » au milieu des impressionnistes. Rien qu’à prononcer son nom « WHISTLER », on croirait voir s’ouvrir et se fermer les deux ailes d’un papillon. Avec cela, bruyant, causeur, aimant le paradoxe, en procès avec Ruskin, brouillé avec Carlyle et Oscar Wilde,   bref un personnage étonnant.

Ce que WHISTLER avait d’impressionniste ? Le don de peindre parfois des évocations ou des rêveries comme son « Vieux Pont de BATTERSEA » qui, en bleu et or, dans la brume du soir, se dresse fluide, fantastique, « spleenétique » sur les eaux de la Tamise. Sa vie ? Les aventures d’un fils d’ingénieur civil qui, après avoir passé par West Point, travaille ainsi que Monet, Bazille, Renoir et Sisley dans l’atelier de GLEYRE. Il se lie d’amitié avec Fantin-Latour qui l’a peint, monoclé  et redingoté, comme participant à l’hommage à Delacroix.

Et ce furent les symphonies en blanc de femmes en longues robes, des navettes entre Londres et Paris, l’admiration de Baudelaire pour ses eaux – fortes. Sa « femme en blanc », un concerto de blancheurs est une œuvre de jeunesse. Peinte en 1862, elle fut exposée l’année suivante au salon des Refusés où, avec « le Déjeuner sur l’herbe » de Manet, elle fut une révélation. WHISTLER, avant Mary CASSAT, rompt nettement avec ses devanciers dans l’école américaine par l’originalité d’un art qu’il concevait « comme une divinité d’essence délicate toute en retrait ». Devant la solennité de ces « arrangements » en blanc, Degas disait avec malice : « Elle pose devant l’infini et l’éternité ». C’est aussi la rencontre à Londres de Monet et de Pissarro pendant la guerre franco-allemande de 70, les vues de la Tamise, Venise, la fameuse conférence, le « Ten O’Clock » que traduisit Mallarmé et dont le poète fit lecture dans le salon de Berthe Morisot. WHISTLER ne se plaisait qu’à Londres. Il eut une tendresse pour ces femmes à la chair de fruit, coiffées de cheveux plus ambrés que ceux des Vénitiennes et des Sévillannes. La marmaille des rues, si drôlement costumée d’étoffes aux tons crus, éclatant dans la brume humide qui les exalte. Revenu à Paris durant ses dernières années. Il vint loger avec sa femme rue du Bac, dans un pavillon dont les fenêtres donnaient sur les jardins des couvents. À la fin, WHISTLER, se détacha de sa vie parisienne. Malade, il vint mourir à Londres à soixante-neuf ans.

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