Savez-vous
écouter un musicien ambulant ? Savez-vous remarquer le passant qui vous
offre un sourire ? Savez-vous accepter l’humain qui voue tend la
main ?
Il est là et il
donne sans s’apercevoir ni chercher à voir, alors que les gens prennent avec
nonchalance le bonheur qu’il leur offre du bout de doigts. Il est là et il est
beau quand il leur raconte ses rêves, tellement beau que personne n’écoute
alors qu’il suffit d’entendre. Il est là mais ailleurs en même temps, insaisissable
puisqu’il est humain et musique à la fois ; il se fond dans ce décor qui
ne lui convient pas et qui le cache si bien de ceux qui y évoluent comme si ce
monde était le leur, personne ne le remarque, ou personne ne daigne le voir et
pourtant il met son cœur à nu sous leurs yeux.
Alors ils se
sentent obligés et c’est comme s’ils lui faisaient une fleur, ils descendent de
leur piédestal pour lui faire une faveur, ils ont l’impression de donner et se
voient grands, alors qu’ils ne sont rien devant lui, mais il ne leur dira pas.
C’est une étoile tombée du ciel qui accepte ce qu’elle a de meilleur, et aux
pauvres ingrats se voient toujours supérieurs ; leur vie se décline en une
multitude de gris dont ils sont fiers, fiers puisqu’ignorants des couleurs qui
illustrent la sienne ; mais il est indulgent et poursuit la ritournelle.
Elle est là et
elle se voit, entend et ressent, elle rêve avec lui et rejoint son monde, goûte
aux couleurs de ses illusions et partage ses joies. Elle oublie sa peine et
délaisse son chagrin, pendant un instant elle danse aussi et discerne le
bonheur, il est si près, toujours à portée de main et elle s’aperçoit qu’ils
sont bien aveugles. Elle se voit si petite et elle comprend qu’ils ne sont rien
et qu’il est tout puisqu’il n’est pas seul, lui sait s’ouvrir et s’offrir quand
ils ne savent même pas écouter et c’est là que se trouve toute la différence.
Elle est là et
elle le voit, elle entend la musique de son âme, elle l’écoute avec le cœur et
elle non plus n’est plus seule, elle ressent ses peines et ses chagrins qu’elle
mêle aux siens, ils ne font plus qu’un, l’espace d’un instant, puisqu’elle a su
recevoir ce qu’il a su donner. Et elle se fige au milieu de la rue, et elle
sourit avec les yeux comme elle sourit avec la bouche, et elle rayonne du
bonheur qu’elle a su apprécier, le bonheur que distribue un inconnu avec son
violon.
Les gens passent
sans s’arrêter, ils croient entendre de la musique, finalement c’est bien ça,
quelques notes qui s’envolent et qui dansent, mais qui sont bien vite emportées
par une foule de pensées bien plus importantes. Leur démarche est vive et
régulière, ils sont musiques sans le savoir, métronomes qui martèlent le pavé
de leur existence autrement importante, ils accordent quelques secondes de leur
précieux temps à cet inconnu insignifiant, ils daignent lui accorder quelques
secondes de leur attention. Ils sont magnanimes.
Et les plus
généreux s’avancent et laissent tomber quelques ronds métalliques qui tintent
quand leur chute se termine dans une boîte tout aussi métallique, une offrande
à l’image du cœur de ces automates. Ils sont bien grands ces passants, ils ont
fait une bonne action, ils ont à peine entendu et ils ont donné, ils sont bien
bons et il leur est redevable, ce violoniste qui n’a apparemment rien de mieux
à faire.
Sculpteur d’âme,
sculpteur de cœur, de chagrin…toujours la même ritournelle, pourtant cette
fois, ils étaient deux à voir le monde en couleur.
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