jeudi 31 octobre 2024

MUSIQUE !



Musique des mots, mots mêlés, derrière lesquels se cachent des secrets, des déchirures, du noir ou des couleurs. Musique légère, anodine, éphémère. Musique militaire, rigide, austère, musique pompeuse, ennuyeuse. Au détour d’une phrase, un petit vent frais, au détour d’une autre, un orage menaçant. Mot … ment, pas toujours, apparences trompeuses, agencement savant pour transformer le quotidien en fantastique. Mots miroirs, dérangeants, griffures à nos egos, éraflures de nos certitudes, solvant de nos masques crasseux, bain de jouvence, nous tirant de notre torpeur… trop peur ! Jean qui rit Jean qui pleure, mots en plein cœur. Alchimie complexe provocant réactions en chaîne. Amour ou Haine, érosion de nos dogmes confortables. Cartes sur table en un grand jeu d’émotions. Promenade d’une majuscule au point… au point de quitter, liquider nos angoisses, chape de plomb à nos pieds. L’odeur du papier, la page tournée, des rêves plein la tête. Le livre reposé tel un ami, sur lequel on pourra s’appuyer. Il faut éteindre, il est temps de sombrer dans les bras de Morphée.

« Trump, guignol du néofascisme », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Le pire arrive toujours par les mots. À l’insondable pauvreté du langage de l’ex-président des États-Unis candidat à sa réélection s’ajoute désormais un champ lexical guerrier, pioché dans la palette néofasciste pour s’attaquer aux « ennemis de l’intérieur » : « vermines », « empoisonneurs », « mangeurs d’animaux domestiques » et autres « trous du cul » contre lesquels il suggère d’utiliser la force militaire, et qu’il compte, selon ses propres mots, « déporter » ou « enfermer dans des camps ». Tout comme il promet d’« emprisonner » les journalistes qui publient des « informations sensibles ».

Ces abominations grossières sont bien plus que des « outrances » ou de simples « provocations ». Elles traduisent une stratégie au service d’un projet politique qui commence à ressembler dangereusement à une nouvelle internationale fasciste. Orban, Netanyahou, Poutine, Milei et autres Le Pen se frottent les mains à l’idée d’une victoire de Trump.

À toutes les extrêmes droites de la planète, son premier mandat à la Maison-Blanche a fourni une grammaire et une légitimation depuis la plus grande puissance économique mondiale, phare autoproclamé de la démocratie dans le monde. Tous empruntent au même bréviaire manichéen et aux « vérités alternatives » pour passer les cerveaux à l’essoreuse de la prétendue « guerre des civilisations ». Une grande vengeance réactionnaire au service d’un capitalisme écocidaire est déjà à l’œuvre dans de nombreux pays. Une victoire de Trump viendrait pousser un peu plus le monde dans le précipice.

Même dans le scénario le plus optimiste, celui de sa défaite, le danger sera loin d’être repoussé. Les plans du candidat pour contester le scrutin ne sont plus un secret pour personne. L’insurrection du Capitole en 2021 avait donné un avant-goût de cette « contre-révolution » théorisée par le « Projet 2025 », publié l’année dernière par la fondation The Heritage, laboratoire d’idées ultraconservateur qui travaille à renverser l’État fédéral américain. Une armée d’avocats et des bataillons de suprémacistes chauffés à blanc sont prêts à être mobilisés. Il faut malheureusement parfois prendre les clowns très au sérieux.

« La chasse aux têtes », le billet de Maurice Ulrich.



Ancienne « chasseuse de têtes » pour de grandes entreprises et désormais essayiste, Julia de Funès, dans la Vertu dangereuse (éditions de l’Observatoire), dénonce, nous dit-on, la bien-pensance qui étoufferait désormais les entreprises et l’ensemble de la société.

Ça lui valait, il y a quelques jours, la reconnaissance du Figaro magazine, avec un entretien sur cinq pages. Elle débusque, nous dit le magazine, « les dangers des manifestes vertueux qui promettent le bien-être au travail grâce à l’inclusion, la diversité, l’intelligence collective et autres concepts généreux ».

Ça nous avait échappé. Et ce n’est pas tout : « Notre modèle vertueux incite certains, non contents de percevoir à bas bruit les allocations-chômage générées par un astucieux système d’emplois à durée déterminée, à exploiter les failles du dispositif et à vivre d’aides plutôt que de s’engager de manière pérenne dans une voie professionnelle. » C’est curieux, tout de même, cette manie qu’ont les gens riches et bien-portants de traquer les plus faibles. À moins qu’après avoir chassé des têtes, elle ait décidé de se payer la nôtre.

vendredi 25 octobre 2024

« Notre Drame de Paris », l’éditorial de Marie-José Sirach dans l’Humanité.



Selon la ministre de la Culture, « faire payer l’entrée de Notre-Dame sauverait toutes les Églises de France ». Diable ! Que n’y avait-on pensé plus tôt ? À quelques semaines de la réouverture de la cathédrale, Rachida Dati dégaine cette idée qu’elle a aussi sec soumise à l’archevêque de Paris.

Pas de savants calculs, une simple multiplication suffit : 5 euros par touriste rapporteraient 75 millions. Jésus multipliait les pains, sainte Rachida Dati multiplie les euros. Le budget de la Culture subissant les mêmes restrictions que les autres, c’est « au nom de l’effort collectif » que cette proposition arrive sur l’autel des arbitrages de Bercy. Amen.

Cette idée n’est pas nouvelle. Stéphane Bern, l’apôtre du patrimoine, y avait déjà songé dès 2017, tout en précisant que, bien évidemment, « les fidèles continueront de venir prier gratuitement. Mais à certaines heures ». Les infidèles, eux, devraient donc s’acquitter d’une obole.

C’est faire fi, bien vite, de la loi de 1905 qui interdit de faire payer l’entrée des lieux de culte. Rendre payant ce qui, jusqu’ici, était gratuit rime avec privatisation d’un espace public. C’est dans l’air du temps. Victor Hugo doit se retourner dans sa tombe… Mais aussi toutes les Esmeralda, tous les bohémiens, les va-nu-pieds, les sans-papiers et les sans-rien pour qui les Églises demeurent un refuge.

Cela fait longtemps qu’elles ne sont plus des asiles mais chacune et chacun peut y entrer sans obligation de prier et sans avoir de comptes à rendre à quiconque. C’est cet aspect-là des choses qu’avancent les autorités ecclésiastiques qui n’adoubent pas la proposition de la ministre.

Derrière cette annonce, se cache une vision purement comptable du patrimoine qui romprait avec une philosophie qu’avait su préserver la loi de 1905. On est loin, bien loin de la démocratisation culturelle. Il y aurait bien d’autres pistes pour renflouer les caisses.

Augmenter la taxe de séjour de quelques centimes, taxer un peu plus, un peu mieux les Airbnb… Des mesures plus justes, plus efficaces, plus républicaines. Mais Rachida Dati, préférant s’en prendre à Anne Hidalgo sur le sujet, cultive d’autres ambitions. Notre-Dame de Paris a bon dos.

 

« Si ça peut aider », le billet de Maurice Ulrich.



Un Français sur cinq est touché par une question de santé mentale, selon Michel Barnier. Il voudrait en faire une priorité et a déclaré qu’elle serait une grande cause nationale en 2025. Il y a urgence. Même les entreprises, nous assure le Figaro, se lancent dans la prévention : 15 % des arrêts de travail y sont liés.

On se demande bien pourquoi. La responsable de l’accompagnement social d’un groupe mutualiste explique, en revanche, comment des équipes de consultants « aident les entreprises à analyser leur situation face à l’absentéisme et aux fragilités de leurs salariés et construisent des plans d’action et des indicateurs de mesure d’impact « 

On a tout compris. Et pour les conditions de travail ? De son côté, l’assurance-maladie, nous dit-on, « agit envers les médecins gros prescripteurs d’arrêts de travail pour leur rappeler les bonnes pratiques » et le versement des indemnités journalières aux salariés peut être suspendu automatiquement dès qu’il y a un soupçon. Sur Internet, on trouve facilement des agences de détectives privés qui se proposent pour des contrôles. Si ça peut aider.

 

jeudi 24 octobre 2024

CHERCHONS !



Nous cherchons un peu de réconfort en ce monde en lambeaux. La doublure d’un col, le revers d’un manteau dans lequel nous pourrons aux frimas de l’hiver nous enfouir et nous blottir une vie toute entière. Nous cherchons dans le ciel alourdi de ces brouillards épais le duvet d’un soleil ou l’aile d’un oiseau, une botte de paille, un petit lit bien chaud, un refuge en montagne, comme un havre de paix. Nous cherchons une canne, un bâton, ou d’aveugle le chien pour ouvrir notre chemin et mieux tracer notre route, en pas moins hésitants dissiper tous nos doutes, construire un avenir pour aimer mieux demain. Nous cherchons un pays idéal où il ferait bon venir, où celui qui vous quitte aura toujours sa place, un monde lumineux, où rien ne se remplace, un monde gouverné par nos beaux souvenirs.

 

« Les Français ne rêvent pas de dictature », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



L’enquête dévoilée mercredi 23 octobre par le Conseil économique, social et environnemental offre un instantané saisissant de la crise démocratique que traverse la France. Un Français sur deux (51 %) penserait que « seul un pouvoir fort » peut garantir l’ordre et la sécurité. Et 23 % iraient jusqu’à estimer que la démocratie n’est pas le meilleur système politique existant (31 % chez les moins de 35 ans).

Quant au personnel politique, il est, sans surprise, considéré comme « déconnecté des réalités des citoyens » par l’écrasante majorité des sondés (76 %). Des chiffres accablants. En 2017, le candidat Macron fustigeait la « démocratie confisquée » et « l’entre-soi de la vie politique ». Sept ans plus tard, le constat s’impose : le chef de l’État a exacerbé les maux qu’il prétendait combattre.

Pour autant, il serait faux de croire que les Français rêvent de dictature. Derrière cette crise de confiance se révèlent, au contraire, des attentes aux antipodes des solutions autoritaires, méprisantes et ultralibérales portées par la Macronie, la droite et son extrême.

« Les Français ne veulent pas moins de démocratie. Ils en veulent plus et mieux. »

Selon l’enquête, ce qui prédomine chez nos concitoyens et mine leur adhésion à la société est un profond sentiment d’inégalité, sur tous les plans : social, territorial, femmes/hommes… Au point que 24 % des sondés ont l’impression « de ne pas faire partie de la société française ». Sentiment d’exclusion, de relégation. Quant à leurs préoccupations, elles se portent en priorité sur la santé, le pouvoir d’achat, la situation économique et politique du pays ou encore l’environnement. Très loin devant l’immigration (18 % seulement) dont l’exécutif, le RN et ses relais médiatiques nous rebattent les oreilles. Vous avez dit « déconnexion » ?

Les Français ne veulent pas moins de démocratie. Ils en veulent plus et mieux. Cette demande « d’autorité » n’est pas synonyme de bâton et de xénophobie. Mais d’un État qui joue pleinement son rôle face aux puissances économiques, avec des services publics efficients sur les questions de santé, de justice ou encore d’éducation, garant d’une réelle égalité des droits. Dans ce contexte, le budget d’austérité que le gouvernement Barnier s’apprête à imposer à coups de 49.3 apparaît comme une gifle supplémentaire adressée aux Français. Et du carburant au profond ressentiment qu’éprouve le pays.

 

« La démocratie, le pire des systèmes... », le billet de Maurice Ulrich.



La phrase de Churchill est connue. La démocratie ? Le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres. Il ajoutait « n’oublions pas ». Nous serions en passe d’oublier pour le Parisien de mercredi, qui titrait : « La démocratie ne fait plus l’unanimité chez les Français ».

L’a-t-elle jamais fait ? Dans le sondage qu’il publie, 76 % des sondés sont quand même d’accord avec la proposition suivante : « Je considère que la démocratie est le meilleur système politique existant », quand 76 % pensent que « les hommes et femmes politiques sont déconnectés des réalités ». 51 % pensent aussi qu’un pouvoir fort et centralisé « peut garantir l’ordre et la sécurité ».

On n‘en conclura pas qu’ils aspirent à la dictature. Mais ce qui ressort du rapport annuel sur l’état de la France du Conseil économique, social et environnemental, que cite le quotidien, c’est un profond sentiment d’inégalité, comme celui de ne pas être entendus. On peut penser aux gilets jaunes, à la réforme des retraites, à la dérive autoritaire d’aujourd’hui. Le problème avec la démocratie, c’est quand elle n’est plus démocratique.

 

mercredi 23 octobre 2024

« Les milliardaires ont l’esprit de famille », le billet de Maurice Ulrich.



L’argent, ce sont les milliardaires qui en parlent le mieux, avec parfois une pointe d’humour involontaire. Dans la presse économique, Rodolphe Saadé, le PDG du groupe de fret maritime CMA CGM détenu par sa famille à 73 % et désormais patron de presse, alerte sur les risques de surenchère fiscale dans la discussion du budget. Au total, dit-il, « le gouvernement a demandé un effort de 8,5 milliards d’euros à 400 grandes entreprises. Pour CMA CGM ce sera 800 millions. 500 la première année, 300 la suivante. C’est un effort conséquent pour notre groupe que nous ferons dans un esprit patriotique »

Mais attention, prévient-il, si cette contribution devait être pérennisée comme il le craint, ce serait un risque pour le groupe. Bien sûr, et 800 millions, c’est déjà une somme quand même. Cela dit, en 2022 sa fortune ayant été multipliée par six par rapport à l’année précédente, passant de 6 à 36 milliards d’euros, on peut se demander ce qu’il a exigé lui-même de sa propre entreprise. Là, ce serait plutôt l’esprit de famille.

lundi 21 octobre 2024

« BRICS + : l’affirmation des émergents », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Personne n’aurait parié un kopeck sur les Brics lorsqu’il y a quinze ans, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine ont scellé cette alliance de pays émergents sur fond de crise économique globale. Très vite rejointe par l’Afrique du Sud et désormais l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran, cette coalition de nations s’est imposée sur le devant de la scène internationale, avec un mécanisme d’échanges et de coopérations alternatif à la domination des puissances occidentales.

De nouveaux prétendants frappent à la porte, à l’image de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est le premier contingent de l’Otan. Cet attelage est loin de former un bloc uniforme, tant les choix idéologiques de ses membres sont contradictoires, voire diamétralement opposés. L’acronyme même des Brics est né dans l’esprit de Jim O’Neill, président de l’agence de notation Goldman Sachs Asset Management.

Cette coalition dérange tant elle bouscule les hiérarchies et les tutelles qui ont prévalu jusqu’ici. Les Brics + se plaisent à rappeler qu’ils représentent près de la moitié de la population de la planète et pèsent 35 % du PIB mondial, soit davantage que le G7.

Si cette alliance hétéroclite n’est pas un contre-pouvoir global, elle est une pierre dans le jardin des institutions financières internationales nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les coopérations qu’elle trame mettent en cause la suprématie du dollar qui conditionne les échanges des économies en voie de développement trop souvent plombées par la prédation, l’inflation et le surendettement

L’émergence du Sud global fait aussi bouger les plaques tectoniques sur le plan diplomatique. Ces pays veulent s’affranchir de l’hégémonie des puissances occidentales et d’un Conseil de sécurité des Nations unies qui attise les conflits à coups de mises au ban, de sanctions, de feux verts aux pires violations du droit international.

La « gestion » de la guerre en Ukraine et la complicité avec l’entreprise de destruction méthodique de Gaza illustrent cet insupportable « deux poids, deux mesures » que conspue le Sud global. La présence du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au sommet des Brics + à Kazan légitime l’appel à un multilatéralisme renouvelé, qui fait tant défaut aujourd’hui.

 

« Trop d’impôt tue l’impôt » : le retour de l'idée « zombie », le billet de Maurice Ulrich.



C’est un mantra, une incantation, en tout cas une formule sacrée censée conjurer la fièvre fiscale qui s’est emparée des députés du NFP. « Trop d’impôt tue l’impôt. » Circulez, il n’y a plus rien à voir, en tout cas à discuter, question réglée, point final. C’est sur la nappe d’un restaurant de Washington où il dînait en compagnie de Donald Rumsfeld, figure de proue des néoconservateurs américains, que l’économiste libéral Arthur Laffer avait dessiné en 1974, une courbe censée illustrer la formule. L’impôt dissuaderait les riches d’investir et les appauvrirait, les rendant moins imposables.

C’était bienvenu au début de l’ère Reagan, quand l’État « était le problème et non la solution », et après des décennies depuis les années 1930 de taux d’imposition allant jusqu’à 70 % au-delà de 460 000 dollars. Un héritage du New Deal de l’époque Roosevelt.

À l’évidence les États-Unis ne s’en portaient pas plus mal. Mais ça ne fait rien, la formule semble avoir du sens. Pour de nombreux économistes, c’est juste une idée « zombie » qui revient quand, comme chez les Tontons flingueurs, on touche au grisbi.

 

 

LE PETIT ENFANT !



Son regard te poursuit dans tes nuits sans sommeil, il émane de lui un rayon de soleil. Tu l’écoutais parler, lui le petit enfant, sait-il quelle leçon il a donné aux grands. Il a tant de raisons d’être amer, révolté, et pourtant dans son cœur il n’y a que bonté, son amour pour les autres, sa générosité cette foi qui l’habite, ce besoin de donner. Tu souffres autant que lui de ce monde cruel, mais tu ne comprends pas les règles de ce duel. L’économie mondiale échappe à ta raison, c’est l’argent qui domine, mais quel triste horizon. Le monde va bien mal, il faudrait le soigner, les qualités de cœur sont plutôt démodées. La jungle de la vie ne fait pas de cadeau, avoir des sentiments est un bien lourd fardeau. Il donne la chaleur aux vieillards démunis, qui sans lui oublieraient qu’ils sont encore en vie ! Il procure à manger à des vieux qui ont faim, il leur porte plus que des morceaux de pain. Quelquefois tu es triste de n’avoir su grandir, de ne pas avoir su te blinder, te durcir. S’il y dans le monde plein d’enfants comme lui, peut-être un jour enfin, le monde changera

 

« Un masque est tombé », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Coluche, à peu de chose près, aurait pu voir illustrée, avec les débats actuels à l’Assemblée, une de ses formules à l’emporte-pièce. « La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours. » Ne parlons pas ici de dictature, bien sûr, mais la dérive autoritaire du pouvoir est patente, de la crise des gilets jaunes aux 49.3 à répétition lors du débat sur les retraites.

Dimanche matin, sur BFMTV, Michel Barnier disait vouloir que la discussion se déroule à l’Assemblée, mais sans exclure le 49.3. En d’autres termes, la discussion est libre, mais c’est moi qui décide. Moi, ou nous, si l’on inclut dans la décision le président de la République qui ne saurait y être étranger, quand bien même il affecte de regarder ailleurs.

Ce serait un coup de force contre la représentation nationale, venant après le déni démocratique qu’a été la nomination d’un premier ministre issu d’une formation, LR, représentant à peine 6 % des voix et surveillé, selon les propres termes de Marine Le Pen et Jordan Bardella, par le Rassemblement national. Une surveillance bienveillante, jusqu’alors. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ne saurait décevoir ceux dont il entend appliquer la politique anti-immigrés. Mais la bienveillance va plus loin et, samedi, le masque du RN est tombé.

Alors que les amendements du Nouveau Front populaire retenus à la commission des finances aboutissaient à 60 milliards de recettes nouvelles avec la taxation des grandes fortunes et des superprofits parmi d’autres mesures, ses conclusions ont été rejetées par la droite, le camp présidentiel et le parti lepéniste. La fibre populaire de ce dernier se rompt dès lors qu’il faut défendre les riches. On comprend mieux alors comment la question de l’immigration a pour rôle d’occulter les véritables choix du parti d’extrême droite.

 

« Un si grand soleil », le billet de Maurice Ulrich.



On se souvient d’avoir lu, il y a quelques années, dans Nouvelles de Pyongyang, hebdomadaire de la Corée du Nord distribué dans 160 pays, un article sur une étude des œuvres complètes du grand dirigeant d’alors, Kim Il-sung, par un professeur d’université. Il en était arrivé à cette conclusion toute scientifique : « Kim Il-sung est le grand soleil. »

Chroniqueur ultraconservateur du Figaro, Mathieu Bock-Côté n’en est pas encore là, mais il s’y essaye, après une relecture attentive de textes rassemblés dans Nous autres, modernes, d’Alain Finkielkraut. Un ouvrage « magnifique », écrit-il, « dans lequel il condense sa philosophie ».

Ainsi, pour lui, le grand danger pour l’homme serait de se tromper d’époque, « en guerre contre le fascisme quand le fascisme est depuis longtemps vaincu, de se dresser contre le racisme des Blancs quand c’est le racisme anti-Blancs qui s’institutionnalise partout en Occident »

En voilà de bonnes raisons de son exercice d’admiration. Car « cette plongée au cœur du Finkielkrautisme est une introduction à la liberté de l’esprit ». Peut-être attend-il d’être payé de retour. Ou, pire, il est sincère.

 

samedi 19 octobre 2024

LE LIVRE, SECRET DE LA LIBERTÉ !



Le livre comme une ouverture sur le monde, pour un formidable appétit de connaissance. Un livre comme refuge de ce monde qui veut gommer toute conscience. Le livre, expression de nos différences, nos rêves, nos imaginaires variés. Le livre pour dire ce qui nous rassemble, comme un reflet de l’humanité. Le livre comme image de la réalité pour savoir et comprendre. Le livre pour fuir la réalité de ce monde qui nous oppresse. Le livre, objet magique qui donne l’accès à un monde infini, à l’univers de tous les possibles qui ressemble à la vie. Malheureux, l’exclu du livre, même s’il ne le sait pas. Tant qu’il n’ouvrira pas un livre, malheureux toujours il sera.

vendredi 18 octobre 2024

SOURIRES !



Un jour le soleil, le lendemain la tempête. Tout était beau et coloré, mais trop calme. Le ciel s’obscurcit, notre monde s’écroule. Les sourires s’estompent, les yeux s’emplissent de larmes. On voudrait comprendre, aider et même sauver, mais on se trouve impuissants, la vie nous échappe ; L’air devient trop lourd, le malheur nous étouffe. On fuit les rires, on fuit les autres, on se protège, mais la vie continue, alors on ferme les yeux. Un jour de tempête, le lendemain le soleil. Une jolie fleur, une main tendue, rien qu’un sourire, Le ciel est moins noir, le malheur devient moins lourd. Sèche tes larmes, respire, ouvre donc tes yeux : Le monde n’est pas si beau mais il est comme il est. Ces mains tendues, tous ces sourires, ils sont pour toi. Ils veulent tous comprendre, aider et même sauver, Ces êtres unis t’aiment et te ranimeront. Épreuves douloureuses, la vie te blesse au cœur. Une jolie fleur, une main tendue, rien qu’un sourire, Sèche tes larmes, ouvre les yeux, tu n’es plus seul.

« Hubris », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



L’impunité est une invitation à laisser libre cours au crime. Et le dédain des puissances occidentales pour les principes d’un droit international qu’elles ont elles-mêmes édictés n’est pas étranger à l’hubris avec laquelle Benyamin Netanyahou déchaîne ses guerres au Moyen-Orient.

Dans un entretien cousu de morgue et de cynisme au Figaro, le premier ministre israélien prétend agir au nom de notre « civilisation commune ». C’est pourtant du côté de la barbarie qu’il se range avec l’entreprise d’anéantissement en cours à Gaza et le déluge de bombes qu’il fait pleuvoir sur le Liban.

Quand l’armée israélienne cible et affame délibérément les civils, entrave le passage de convois humanitaires, quand elle utilise dans l’enclave occupée des captifs palestiniens comme boucliers humains, c’est la barbarie qui se manifeste. Quand les casques bleus de l’ONU sont pris pour cible au Liban du Sud, au prétexte mensonger qu’ils serviraient de paravent au Hezbollah, c’est la loi internationale qui est encore violée sous les yeux de tous.

Benyamin Netanyahou invoque les « valeurs que défend l’Europe » pour justifier ses crimes de guerre et ses crimes contre l’humanité, alors qu’il n’obéit qu’aux desseins expansionnistes des extrémistes de son camp et ne sert dans la région que les intérêts de ses alliés à Washington.

Selon l’étude conduite en 2018 par l’université Brown, aux États-Unis, la « guerre contre le terrorisme », dont Tel-Aviv se revendique, a fait dans le monde au moins 500 000 morts et 37 millions de déplacés et de réfugiés. Des pays entiers ont été détruits, des sociétés ont été déstructurées, d’innombrables destins ont été brisés. Le monde n’en a pas été rendu plus sûr, bien au contraire. De la même façon, les guerres de Netanyahou, qui sèment aujourd’hui la mort et le chaos ne garantiront en rien, demain, la sécurité des Israéliens.

Les livraisons d’armes doivent cesser ; des sanctions internationales doivent être prises ; la Cour pénale internationale doit délivrer, enfin, des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant, comme le demande son procureur, Karim Khan. Sans justice, les répliques de la guerre en cours au Moyen-Orient n’épargneront pas ceux qui choisissent l’indifférence ou la complicité.

 

« Par les oreilles », le billet de Maurice Ulrich.



Parmi les 63 000 migrants morts en dix ans sur les routes de l’exil, dont deux tiers en faisant naufrage, combien avaient pris tant de risques pour se faire refaire le nez ou recoller les oreilles comme l’a affirmé Jordan Bardella sur BFM, en profitant en France de l’aide médicale d’État pour les sans-papiers ? Un député LR de Moselle est intervenu à l’Assemblée contre « le tourisme médical » en dénonçant « une pompe aspirante de l’immigration illégale ». Il doit avoir des chiffres. Ce n’est pas si facile pourtant.

L’AME ne prend pas en charge les soins de confort, plusieurs associations évoquent un véritable parcours kafkaïen pour en bénéficier. On fait aussi valoir chez les humanitaires et les professionnels de santé que l’absence de soins pour les plus précaires serait un véritable risque de santé publique. L’AME a représenté en 2023 à peu près 0,5 % des dépenses de santé mais, c’est sûr, il doit bien y avoir des touristes qui exagèrent. Le ministère de la Santé parle de onze oreilles recollées sur un an, allez donc savoir pourquoi. Un luxe, peut-être.

 

 

jeudi 17 octobre 2024

« Démission », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Tiens ? Des pauvres ? La Journée mondiale du refus de la misère possède – au moins – cette vertu : celle de rappeler une fois par an au gouvernement l’existence de personnes en grande précarité. Et, sait-on jamais, de lui faire toucher du doigt les dégâts de sa politique inégalitaire, tout entière consacrée à accroître les richesses de ceux qui en ont déjà. En 2017, le chef de l’État promettait que plus personne ne dormirait dehors à la fin de son quinquennat. Après sept années de néolibéralisme débridé, le bilan est lamentable.

Le sans-abrisme prolifère. À titre d’exemple, le 19 août dernier, 2 043 enfants sont restés sans solution d’hébergement après l’appel de leur famille au 115. Un chiffre en hausse de 120 % par rapport à 2020 ! Quant au nombre de Français·es vivant en dessous du seuil de pauvreté, il grimpe inexorablement : 9,1 millions de personnes, soit 14,4 % de la population. Un pourcentage jamais vu depuis des décennies.

Ces chiffres témoignent du mépris des gouvernements macronistes successifs face à la condition des plus démunis. L’an passé, une enquête sur le travail parlementaire rappelait que le sort des sans-abri n’était abordé que dans 0,1 % des textes proposés depuis 2017. Pis : plutôt que de se confronter à la pauvreté endémique, la seule réponse politique de ces dernières années a été de criminaliser ceux qui en sont victimes. Arrêtés antimendicité, loi anti-squat… autant de mesures qui détruisent la solidarité nationale et renvoient à l’idée que le pauvre est seul coupable de sa situation.

Le gouvernement Barnier, malheureusement, ne changera rien à cette philosophie. Au contraire. La cure d’austérité annoncée va lourdement peser sur les budgets des collectivités qui, du RSA à l’hébergement d’urgence, ont la responsabilité d’une partie de l’aide sociale. En réduisant ces moyens, le gouvernement, dans un terrible cynisme, s’attaque directement à ce dernier filet de sécurité, prolongeant par là même une insupportable indifférence.

« La fillette au petit chien », le billet de Maurice Ulrich.



C’est une fillette de 4 ou 5 ans. Elle porte un gilet de sauvetage, elle est trempée, avec ses grands yeux mouillés de larmes elle serre contre elle son petit chien. La photo illustrant la violence de l’ouragan Helene dans le sud-est des États-Unis a été vue des millions de fois, suscitant la compassion des internautes, mais aussi la colère d’élus et d’éditorialistes conservateurs dénonçant l’incurie de l’administration Biden, le détournement des fonds prévus pour les victimes au profit d’aides aux migrants.

Une parlementaire républicaine a aussi mis en cause les manipulations de la météo, et la question du changement climatique qui est « le nouveau Covid ». D’autres photos ont montré dans le parc Disney le château de Cendrillon sous les eaux. Autant d’images et d’accusations qui, selon une ONG, se sont tellement propagées qu’elles ont perturbé les secours. Elles ont été reprises un peu partout dans le monde, diffusées en Russie par une chaîne d’État. Les photos du château de Cendrillon comme celle de la fillette ont été fabriquées par une intelligence artificielle.

 

mercredi 16 octobre 2024

« LA FRANCE » DE JEAN FERRAT FÊTE SES 55 ANS EN 2024.



"Ma France" reste, dans nos mémoires, comme une des plus belles chansons de Jean Ferrat : une véritable déclaration d'amour à la France et au peuple qui a fait son histoire... La France personnifiée, humanisée devient sous la plume de Jean Ferrat l'image d'une femme aimée à qui on dédie une chanson. Le poète s'adresse à elle comme à une maîtresse, ce que suggère bien l'apostrophe réitérée : « Ma France »... Il alterne la première et la deuxième personne, instaurant un dialogue avec elle. Dès la première strophe, il évoque des paysages variés pour la décrire : "De plaines en forêts de vallons en collines...", puis des saisons distinctes " du printemps à tes mortes saisons..." comme pour mieux en souligner toutes les beautés si bien que le poète ne peut que prolonger indéfiniment son éloge.

Puis, il égrène quelques régions qui lui sont chères et en fait des esquisses emplies de poésie  « Au grand soleil d'été qui courbe la Provence Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche... » Des images qui restituent des ambiances, des paysages dans leur simplicité et leur vérité... Ferrat décrit la France, comme le ferait un peintre, avec des couleurs, des formes...Mieux que personne Et la chanson n'est pas seulement une déclaration d'amour à un pays, elle est aussi un texte engagé qui souligne une soif de liberté et de justice inextinguible. « Cet air de liberté » qui caractérise la France, qui a fait sa réputation « au-delà des frontières » et qui nous vient de la Révolution est bien ancré dans l'histoire.

Puis, le poète égrène tous ceux qui ont construit cette France dans une énumération qui mêle hommes illustres et anonymes : « Le vieil Hugo tonnant de son exil », « des enfants de cinq ans travaillant dans les mines », des ouvriers représentés par des « mains qui ont construit des usines..., la France fusillée lors de la Commune… Puis, des artistes engagés sont convoqués, « Picasso, Eluard » qui ont lutté pour la paix, et qui ont dénoncé les horreurs de la guerre. Leur message se perpétue pour dire qu'il est « temps que le malheur succombe ».

Et toutes les voix de ceux qui font la France sont associées en une seule, comme pour former une belle harmonie et une belle unité... une voix vouée aux sacrifices, aux « fosses communes »: le poète dénonce les gouvernants, ceux pour qui souffrent les travailleurs, en les interpellant, avec l'emploi de l'adjectif possessif de la deuxième personne « vos crimes, vos erreurs... »

Ferrat rend hommage aux travailleurs, au petit peuple, à cette France « qui ne possède en or que ses nuits blanches…Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien.» Une France dont Ferrat nous fait percevoir tout le labeur, avec pour seul trésor « ses nuits blanches. » L'association du mot « or » avec l'expression "nuits blanches" restitue toute la valeur du travail fourni par les plus humbles. Le peuple est ainsi magnifié dans cette lutte quotidienne qu'il mène pour faire vivre le pays... Une lutte pour travailler, une lutte, aussi, pour dénoncer les injustices symbolisées par « l'affiche qu'on colle au mur du lendemain. » « Au journal que l’on vend un matin du dimanche »

Et Ferrat évoque cette France qui se révolte dans cette expression bâtie sur une antithèse frappante de verbes de mouvement : « qu'elle monte des mines, descende des collines. » Le poète s'associe à cette France, avec ces mots : "celle qui chante en moi", soulignant ainsi sa complicité et sa solidarité. Désignée par les adjectifs « la belle, la rebelle" » la France est de nouveau, magnifiée et valorisée, dans ses révoltes mêmes. « Celle qui tient l'avenir serré dans ses mains fines" » à nouveau personnifiée, la France des travailleurs mérite d'être célébrée.

Et dans le dernier vers, le poète évoque d'autres mouvements populaires célèbres dans cette expression « Trente-six, soixante-huit chandelles ». La mélodie qui alterne douceur et force traduit à la fois tendresse et révolte. Bel hymne à la liberté, cette ode à la France, à ses travailleurs, ses artistes traduit l'attachement du poète à ce pays si riche d'histoire, de révoltes, de luttes...

L'artiste censuré

La diffusion de sa chanson Nuit et brouillard est « déconseillée » par le directeur de l'ORTF, mais le public suit, et l'album Nuit et brouillard obtient le prix de l'Académie Charles-Cros.

À la sortie en 1965 de l'album Potemkine, les problèmes de censure recommencent de plus belle. Georges Coulonges, le parolier de la chanson-titre a pourtant pris des gants, il écrit « M'en voudrez-vous beaucoup… ».

En 1966, il est interdit de petit écran, sous le prétexte de sa candidature sur la liste PCF aux élections municipales d'Antraigues (Ardèche).

Les déboires de Jean Ferrat se poursuivent en 1969 avec la sortie de l'album Ma France, dont la chanson éponyme est interdite d'antenne, provoquant son boycott des plateaux de télévision. Jean Ferrat n'y retourne qu'en 1970 et doit patienter un an de plus pour voir la censure brisée par Yves Mourousi, qui diffuse en 1971 un extrait de Ma France!!

 

 

DERNIER VOYAGE !

Lui, le vrai combattant contre toutes les guerres, Lui le vieux militant, vient de se faire la paire.   Pour son dernier voyage, Ils étaie...