L’été se retire peu à peu et laisse derrière lui son lot d’émotions, d’inquiétudes et de joies mêlées, d’espoir de temps meilleurs. Un été de contrastes refusant de céder à la coulée d’angoisses en construisant des digues de fraternité. Elles se renforceront encore dans quelques jours à la fête de L’Humanité.
Un été sans trêve, bousculé, hanté par nos espoirs levés avec
l’installation d’une majorité très relative de députés du Nouveau Front
populaire à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas anecdotique. Si le
monarque-président avait respecté le choix des électrices et des électeurs, le
Smic serait déjà réévalué jusqu’à 1 600 €, une conférence sociale se
préparerait sur la revalorisation de tous les bas salaires et des retraites, la
transformation des emplois précaires en emplois stables et correctement
rémunérés serait en discussion, la loi des 64 ans imposée autoritairement
serait remise sur la table pour un débat national sur les moyens de la geler,
avant son abolition. La rentrée scolaire serait moins stressante pour les
enseignantes et enseignants qui seraient, avec les parents d’élèves, mobilisés
pour un nouveau projet éducatif laissant derrière lui le tri social.
Autant d’idées qui durant l’été ont fait l’objet de mille discussions en
famille et entre amis. Cette envie de renouveau ne s’éteindra pas avec les
rayons de l’été.
Pourtant, le monarque s’acharne à briser cet espoir. Il brandit des bras
d’honneur à la démocratie politique et au vote. Pour lui et sa caste, on peut
bien voter comme on veut, à la condition essentielle que l’on « poursuive
la politique pro business » comme la dénommé son ami président du Medef.
Exactement le contraire de ce qu’une majorité de nos concitoyens ne veulent
plus au point d’avoir réduit par les urnes, le parti du président au rang de
minorité présidentielle. Ils ont dit avec force qu’ils ne voulaient plus de la
politique macroniste tout en refusant de donner les clés des ministères à
l’extrême droite.
L’espoir est là. Celles et ceux qui rendaient les urnes silencieuses se
sont fait entendre avec éclats entre les deux tours des élections législatives,
ranimant le meilleur des traditions démocratiques, républicaines et
révolutionnaires de la France, drapé sous la bannière dans ce qui est baptisé
« front républicain ».
Ce fut un grand soulagement avant de vibrer pour les Bleus pendant l’Euro
de football, d’assister médusé au duel Vingegaard vs Pogacar sur les routes
verdoyantes du Tour de France, dans les plaines et à l’assaut des montagnes qui
poussent au dépassement encouragé par la foule enthousiaste piétinant les
accotements. On aura été heureux des performances des jeunes Français :
Martin, Bernard, Madouas, Bardet, Jégat, Barguil, Laporte, Gaudu. Et nous avons
aimé la beauté du Tour féminin dans la foulée des Jeux olympiques.
Ceux-ci auront agi comme une bouffée d’oxygène générale, avec une cérémonie
d’ouverture flamboyante, puisant au plus profond de notre histoire démocratique
et révolutionnaire, loin des ambiances rance et raciste, loin des
discriminations et du laid qui occupent certains écrans. Le succès du film
« Un petit truc en plus », celui du nouveau Comte de Monte-Cristo ou
encore le foisonnement de romans en cette rentrée littéraire et le succès des
festivals d’été sont également de bons signes de vitalité, d’intelligence
collective, de désir d’un avenir bâtit en commun loin du vol des votes. Et le
récent livre de Vincent Tiberj à rebours des jugements sur la droitisation de
la société française va à la fois donner espoir aux progressistes et aux
humanistes et constituera une base d’action encourageante pour parler plus
encore autour de soi sans préjugés*.
Le niveau de l’entrée en matière de jeux paralympiques d’une haute qualité
porte lui aussi, un admirable message de portée universelle. La culture et le
sport entremêlés nous parlent d’humanité, de diversité, de respect et
d’ouverture aux autres. Les visages des athlètes français disent tout de notre
France métissée et créolisée à rebours des pourvoyeurs et des déversoirs de
haine, de racisme, d’appels aux discriminations qui vomissent désormais au-delà
du sombre lit de l’extrême droite. Le public nombreux aura montré un beau
visage de la France : celui du respect et du partage, de la solidarité et
de la fraternité.
On aura apprécié la présence et le courage des athlètes de l’équipe des
« réfugiés », celui des femmes afghanes, iraniennes, ukrainiennes ou
palestiniennes.
On aurait aimé que les commentateurs, aussi approximatifs que sélectifs sur
la géopolitique mondiale, eussent une pensée partagée pour l’absence du
Karatéka Kurde Mohammad-Mehdi Karami, sélectionné pour représenter l’Iran aux
Jeux olympiques. Il a été exécuté par le régime dictatorial islamiste de
Téhéran le 7 janvier 2023 pour s’être inscrit au sein du mouvement
« Femme Vie Liberté ».
Les portes des jeux refermés, il faudra bien agir à nouveau pour le
développement du sport et des disciplines culturelles à l’école. Il ne suffira
pas non plus de célébrer à juste titre les jeux paralympiques si on continue de
délaisser les enfants handicapés.
Les Jeux olympiques sont en théorie un hymne à la confrontation dans la
fraternité et la paix. Mais la trêve olympique est un chiffon bafoué, entaché
de larmes et de sang. Les guerres à Gaza, en Ukraine, au Soudan le souillent
pendant que derrière les bruits de leurs bombes, les marchands d’armes gonflent
leurs magots, prolongeant d’autant les sursis du capitalisme.
Les autocrates nationalistes à Moscou ou à Tel-Aviv et en quelques autres
endroits du monde déchirent une à une les pages patiemment écrite de notre
droit international. Or, là où disparaît la règle, règne la brutale loi du plus
fort.
Pour les peuples, pour les classes travailleuses, l’enjeu de la paix
devient un enjeu central en cette fin d’été. Il n’y aura jamais aucun bonheur
pour personne si les ravages des feux de la guerre s’étendent encore et encore.
Or, tout un dispositif se met en place pour le pire. Chaque nuit l’armée russe
bombarde des lieux de vie de populations civiles, enrôle de force une partie de
la jeunesse de Russie, dont l’avenir est détruit comme celle de la jeunesse
ukrainienne. L’action militaire de l’Ukraine en territoires russes à Belgorod
et Koursk est porteuse des plus grands dangers pour la centrale nucléaire de la
région.
Et ce qui se discute et se prépare est toujours plus inquiétant ! En
Allemagne, on installe pour le compte de l’Ukraine des batteries de missiles
pouvant atteindre la Russie. Dans le pacifique se déploient tous les
ingrédients d’une guerre des États-Unis contre la Chine afin de conserver la
prédominance du capitalisme occidental.
Le conseiller économique de J Biden a prévenu : « Il n’y a pas de
solution de marché à la compétition avec la Chine ». C’est donc la guerre
qui se prépare. Les USA mettent d’ailleurs en place ce qu’ils baptisent eux
même « l’Otan du Pacifique ». La trêve pourrait être un début de
paix. Il n’y en a malheureusement pas !
Pas de trêve non plus pour les femmes afghanes toujours plus muselées, ni
pour les femmes iraniennes ni pour les combattantes kurdes. Pas de trêve pour
les enfants de Gaza, ni pour ceux qui extraient dans les pires conditions les
« minerais de sang » nécessaires pour fabriquer les téléphones
portables et les batteries électriques. Pas de trêve pour les noyades de
migrants en Méditerranée ou dans la manche.
Il n’y a pas eu plus de trêve pour les nazillons racistes au Royaume-Uni,
pour les héritiers de Hitler qui viennent de gagner les élections régionales en
Thuringe, ni pour l’alliance Musk-Trump, ni pour le revirement macroniste sur
le Sahara occidental rompant avec la traditionnelle position de la France.
Pas de trêve non plus sur le front du dérèglement climatique et ses effets
concrets sur la vie des familles, sur la vie des paysans, sur la fonte de
glaciers qui détruisent des villages.
Ce n’est pas l’écologie qui est punitive. C’est l’irrespect de la
biodiversité et du climat qui sont punitifs pour les salariés et les paysans.
Il aura provoqué la plus mauvaise récolte de blé depuis 40 ans.
Pas de trêve pour la Commission de Bruxelles qui poursuit plusieurs pays, dont
La France pour « déficit public excessif ». Un acte contre la
souveraineté de La France en vue de l’obliger à tailler encore dans les crédits
publics utiles alors qu’il faudrait augmenter les recettes en faisant
participer le capital au bien commun. Et voici que le Fonds monétaire
international (FMI) a placé, pour la première fois, notre pays « sous
surveillance ».
Et la prétendue trêve décrétée par le président de la République avait pour
seul objectif de cacher les sales coups de l’été. Macron a inventé pour
cinquante jours le gouvernement avec des « non-ministres ».
Des ministres d’affaires en tout genre qui n’ont pas hésité à multiplier
les nominations des obligés du prince, à pondre des décrets notamment celui qui
permet d’exploiter dans les vignobles des travailleurs saisonniers tous les
jours de la semaine, de raboter les budgets de l’environnement ou celui du
travail de trois milliards d’euros.
Pas de trêve pour les deux mille enfants qui vivent dans la rue, pour
celles et ceux qui sont privés d’emplois ou de logement. Pas de trêve aux
urgences des hôpitaux qui ont connu des drames au cœur de l’été. Pas de trêve
en Nouvelle-Calédonie à laquelle le pouvoir parisien refuse d’entendre les
aspirations populaires et enferme des militants à 11 000 km de chez
eux.
Pas de trêve dans les tentatives de combinaison macronistes pour empêcher à
tout prix le Nouveau Front populaire de constituer un gouvernement et
travailler sans attendre avec les forces sociales et politiques pour sortir des
millions de nos compatriotes des difficultés qui les assaillent.
La bourgeoisie capitaliste ne pardonnerait pas à M. Macron de céder d’un
pouce sur ses exigences. Ce faisant, nous entrons dans une nouvelle étape de la
crise qui touche désormais le régime lui-même. Le chef de l’État qui s’est
placé à l’avant-garde du projet « démocratique à l’occidentale »
selon lequel « la démocratie est inséparable de la liberté
économique » est devant le mur des contradictions du capitalisme.
Le capitalisme international considère qu’il lui faut un personnel
politique sûr et ferme sur ses principes de classe : diviser les sociétés
et les êtres humains, manier l’autoritarisme, militariser et surveiller les
sociétés, attiser le racisme comme arme de division des classes populaires.
C’est une question de survie aujourd’hui. Pour cela, il a donc besoin de
l’extrême droite pour une « gouvernance » néolibérale sans
démocratie.
Voilà pourquoi l’hôte de l’Élysée a choisi de faire de l’extrême droite le
maître du jeu contre des politiques progressistes des gauches et des
écologistes. Son souci n’est plus de se mettre au service des institutions,
mais de mettre ces dernières à son service et à celui de la classe dont il est
le représentant alors que sa base électorale se réduit considérablement.
Le peuple peut voter. Mais ce sont les recommandations du « cercle de
la raison » capitaliste qui doivent primer. Voilà, le sens de la
propagande autour de la nécessité de placer des hommes
« raisonnables » à la tête de l’État, c’est-à-dire des responsables
politiques dont est sûr qu’ils n’égratigneront pas le système.
Dans ces conditions, les démocrates, les travailleurs devront plus que ne
jamais s’unir pour agir de diverses façons. Les manifestations de samedi
prochain en sont une étape comme les appels syndicaux pour le 1er octobre.
Macron a engagé un bras de fer contre le peuple qu’il est censé représenter
dans sa diversité. Son niveau de désaveu et de contestation est inégalé comme
le montre l’enquête publiée par nos confrères du Monde il y a quelques jours**.
Un élément significatif de cette enquête : 51 % des sondés sont
désormais favorables à sa démission. Il s’agit là d’une donnée politique de
capitale importance !
Dans les conditions actuelles, nos concitoyens ont besoin qu’une grande
Fête de l’Humanité, populaire, culturelle et politique, bruyante de centaines
de débats et de rencontres, foisonnantes d’idées neuves pour fortifier encore
le Nouveau Front populaire et jeter les bases d’un projet post-capitaliste.
Comment rendre le Front populaire majoritaire dans le pays en vue d’ouvrir une
solide perspective progressiste ? tel sera l’un des sujets qui animera les
allées de la fête et de nombreux débats. De nombreux progressistes, des
démocrates, la foule des jeunes viendront aussi dans une fête qui porte le beau
nom de l’Humanité pour chercher ensemble les moyens de faire reculer l’extrême
droite. Que nous faut-il changer, révolutionner en nous-même pour modifier
la scène politique et idéologique et rendre chaque citoyenne et citoyen
co-constructeur d’un avenir meilleur et pour gagner la paix ? Tel
sera l’une des grandes questions.
Nous ne sommes qu’au début d’une longue crise globale dont des éléments
seront décortiqués de mille manières au sein de la Fête dans le but d’associer
les travailleurs et la jeunesse au défrichement des chemins vers le mieux-vivre
et une société de justice sociale et écologique, de liberté et de paix. Creuset
de culture et d’idées neuves, la Fête ouvre l’équinoxe d’un automne sans trêve.
* la droitisation Française Mythe et réalité de Vincent Tiberj. Éditions
PUF.
**Enquête Ipsos pour Le Monde, fondation Jean Jaurès, centre de recherches
politiques de science Po et institut Montaigne réalisé auprès de 11 204
personnes du 26 juillet au 1er août.
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