Une crise de régime ne tient jamais seulement aux malfaçons d’un édifice
institutionnel. Celles de cette Ve République vermoulue sont
connues. Elles vont jusqu’à organiser le contournement des principes inscrits
dans la Constitution : les dix-sept membres du gouvernement Attal élus
députés le 7 juillet, à commencer par le premier ministre, démissionnaires
mais toujours chargés d’expédier les « affaires courantes », ont
ainsi pris part au vote, ce jeudi, dans l’Hémicycle. Au mépris de la séparation
des pouvoirs qui fonde toute démocratie digne de ce nom.
Il y a les fissures prêtes à se muer en failles. Et puis il y a la pratique
politique. Au Palais Bourbon, le maquignonnage qui a permis à Yaël Braun-Pivet
de se maintenir au Perchoir dit tout des mœurs du camp présidentiel, décidé à
barrer la route à la coalition de gauche arrivée en tête des élections
législatives anticipées.
La désinvolture avec laquelle Emmanuel Macron a décidé de dissoudre
l’Assemblée nationale au soir du scrutin européen qui avait placé en le RN en
tête, le déchaînement de propagande pour installer dans les esprits l’idée
selon laquelle les élections du 7 juillet seraient sans vainqueur, les
tractations de l’ombre, les arrangements et les marchandages orchestrés par
l’Élysée pour contourner le verdict des urnes : tout cela dessine ce qui
ressemble bel et bien à un coup de force.
Macron, ici, n’invente rien : il donne un effrayant coup
d’accélérateur au mouvement amorcé avant son arrivée au pouvoir. Au fil des
alternances, s’est affirmée en France la dérive autoritaire que le système
capitaliste assume ouvertement désormais, partout dans le monde. Souvenons-nous
du verdict du référendum de 2005 : un « non » indiscutable des
électeurs au projet de Constitution européenne… vote enterré deux ans plus tard
par une ratification du traité de Lisbonne par le Parlement.
Dans cette dislocation démocratique, Macron a poussé l’arrogance à ses
dernières extrémités – « Qu’ils viennent me chercher ! » Il
a précipité la Ve République dans une crise de régime. Conséquence
inéluctable de la crise sociale et de l’abîme démocratique que creusent des
politiques antipopulaires guidées par des choix économiques ruineux. Reconduire
ces politiques, c’est garantir, à court terme, l’avènement d’un gouvernement
d’extrême droite.
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