Les discours inspirés par l’extrême droite et répétés à l’envie sur le thème du « retour à l’autorité » ne s’adressent pas uniquement à la jeunesse, collégiens et lycéens compris. Le pouvoir macroniste en mandataire zélé du grand capital s’acharne à « discipliner » toute la société, les jeunes, les travailleurs et les retraités. La pression, voire la répression, s’abat de plus en plus fortement sur les créateurs, les journalistes et les humoristes, les chercheurs et les enseignants, les syndicalistes et les militants s’opposant à l’A 69 comme à celles et ceux qui s’opposent aux gigas bassines destinées à alimenter l’agriculture industrielle.
Donner un nouveau souffle au capitalisme international, comme on le voit avec l’opération « Choose France », passe par la recherche d’une plus grande « croissance », par l’amélioration de la « compétitivité et de la productivité », mais aussi par la réduction des droits sociaux, culturels et démocratiques. C’est dans cette perspective qu’une violence d’État est imposée à toutes les sphères de la société avec une série de décisions et de lois répressives.
L’un des derniers avatars de cette stratégie est le licenciement du président-directeur général de la SNCF. On ne lui reproche ni le retard des trains, ni le prix trop élevé des billets, ni l’insuffisant développement du fret alors que les routes sont encombrées de camions polluants et dangereux. Non. Profitant d’une campagne orchestrée par l’extrême droite et ses médias, le gouvernement a convoqué M. Farandou parce qu’avec son équipe de direction, il a trouvé un accord avec les syndicats de salariés du groupe public pour améliorer les conditions de départ en retraite, dans un contexte où le métier de cheminots a perdu de son attrait. Le coût de ces améliorations avoisinant les 35 millions d’euros est modeste au regard des profits réalisés par le SNCF ces dernières années. Le gouvernement signifie donc par là qu’il refuse toute négociation dans les entreprises et se permet de limoger celui qui en ouvre la voie. Voilà qui est révélateur de sa stratégie antisociale et antidémocratique.
Macron a
entrepris la destruction de l’État social
Au-delà, ceci met une nouvelle fois en lumière la nature de ce pouvoir. Ce
n’est pas un « peu de gauche » et « un peu de droite »
comme on l’entend chez les embrouilleurs d’idées. Même à droite, on
s’inquiétait naguère de l’équilibre capital-travail ou de certains intérêts de
la population. M. Macron, lui, a entrepris la destruction de l’État social
pour le remplacer par un État au seul service de l’accumulation du capital
contre les travailleurs et ceux d’entre eux privés d’emploi. Aucunes miettes
des profits de la SNCF ne doivent être redistribuées aux cheminots, mais
reversée au budget de l’État qui par la suite multiplie les cadeaux au grand
capital privé.
Toutes celles et ceux (quel que soit leur rang) qui entravent cette marche en
avant sont brutalisés et sont victimes de cette violence d’État. Les dérives
sécuritaires, autoritaires et diviseuses de ce pouvoir sont liées au besoin
d’augmenter les prélèvements pour alimenter le capital contre les droits
sociaux des travailleurs. Les discours sur « l’État fort » et
« le retour de l’État » servent à masquer cette double
orientation : destruction de la démocratie sociale et étatisation de
certains secteurs économiques et sociaux contre le partage des richesses, des
pouvoirs et des savoirs.
Ainsi, la reprise de contrôle de la totalité du capital d’EDF n’a rien à voir
avec une nationalisation démocratique pour améliorer et démocratiser le grand
service public de l’électricité. Ce grand outil industriel, mis sur les fonts
baptismaux par le ministre communiste Marcel Paul, dans lequel le parti
communiste et la CGT, aux côtés d’autres forces démocratiques et progressistes,
ont jeté toute leur force subie aujourd’hui une orientation visant à le mettre
au service du capital privé. C’est l’Élysée qui a décidé de lui faire porter la
majeure partie des coûts du bouclier tarifaire pour le grand profit de ses
concurrents. Le pouvoir n’a pas hésité à accepter les imbéciles alignements de
nos prix de l’électricité sur celui du gaz allemand puis, il a obligé EDF à
rétrocéder une partie de sa production au prix de sortie de l’électricité des
centrales à des entreprises privées qui la revendait dix à cent fois plus
chère. Et, voici qu’on s’apprête à permettre au groupe Total de construire des
centrales nucléaires.
Une autre étatisation, déjà entamée, concerne le budget de la sécurité sociale.
Après la suppression des cotisations salariales, chômage et santé, prétendument
pour améliorer le pouvoir d’achat, le président de la République et sa clique
veulent aller plus loin : remplacer les cotisations sociales par l’impôt
pour permettre ainsi à l’État de contrôler toute la politique de protection
sociale. Du même coup, la part employeur des cotisations sociales fondrait
comme neige au soleil. Là encore, une grande innovation communiste de la
Libération visant à asseoir la protection sociale sur le travail, avec une
gestion de la sécurité sociale par les travailleurs eux-mêmes, sombrerait
définitivement dans le froid océan du capitalisme débridé. Le raisonnement est
simple et simpliste : l’État payant, grâce aux impôts collectés, la valeur
des cotisations sociales, le pouvoir, qui en aura la charge, expliquera qu’il
en décide de l’utilisation en lieu et place des instances du
« paritarisme ». C’est le sens des contre-réformes de
l’assurance-chômage et des retraites. L’étatisation des assurances sociales est
un moyen d’impulser une politique offensive contre de ce que l’on a longtemps
qualifié « d’État social ».
Une copie
actualisée de l’ORTF
Le licenciement de Guillaume Meurice et les critiques virulentes contre
Radio France organisées par les forces médiatiques et politiques d’extrême
droite doivent être compris et analysés dans un spectre plus large : le
renforcement du contrôle des esprits orchestré par une contre-réforme de
l’audiovisuel public préparée sous la houlette d’une ministre de droite dont le
rapport avec la culture ne saute pas aux yeux. Par contre elle fait preuve de
dextérité dans le maniement des ciseaux coupant les budgets des lieux
culturels.
La suppression de la redevance audiovisuelle (encore sous prétexte d’améliorer
le pouvoir d’achat) était une belle supercherie. Les finances des pôles publics
de la radio et de la télévision ont été mises à mal, afin d’ouvrir les
conditions de leur asservissement au pouvoir étatique. La logique est toujours
la même : le gouvernement se confondant avec l’État explique que c’est lui
qui paye. C’est donc lui qui doit commander. Bien sûr que ce service public
doit être amélioré, démocratisé, mais il est un bel atout national et culturel
que le pouvoir veut affaiblir pour revenir à sa botte.
La démolition en préparation du statut de la fonction publique comme la
simplification administrative participe du même objectif : diriger l’État
avec des cabinets privés, des personnels précarisés pour plus d’aliénation à
des décisions rapides au service des puissances industrielles et financières.
Nous sommes en train d’en voir de terribles prémisses avec le démantèlement du
plan éco-phyto sous les applaudissements de la firme Bayer-Monsanto qui n’en
attendait pas tant.
Un sursaut
des forces démocratiques et républicaines est urgent
Les débats et les mensonges autour des mouvements étudiants dans les écoles et
les facultés de science politique participent de cette cohérence. Tout
défenseur du droit international, même celui qui partage les paroles du pape ou
du secrétaire général de l’Onu devient un « wokiste « ou « un
« islamo-gauchiste », voire un antisémite notoire. Quasiment chaque
semaine des étudiants, des chercheurs, des enseignants sont inquiétés, menacés,
vilipendés pour leur travail aux côtés des populations des quartiers populaires
ou pour leurs analyses qui ne correspondent pas, il est vrai, à la grille de
lecture de Cnews et du Journal du dimanche. Alors que les extrêmes droites
européennes risquent d’occuper le quart des sièges au Parlement européen et que
l’addition des voix des extrêmes droites françaises flirte avec les 38 %,
il est temps pour certains cercles démocrates de se ressaisir. Et, quand le
président de la République bâillonne tout pluralisme dans la confrontation
politique pour faire du RN/FN la seule alternative, il n’est pas exagéré de
dire qu’il prépare le pire.
Sa stratégie fondamentale, au service du grand capital et de la grande
bourgeoisie, consistant à utiliser la violence d’État pour la régression et la
répression sociale, laboure également ce terrain marécageux ou s’enfonce peu à
peu la démocratie. Un sursaut des forces démocratiques et républicaines est
donc urgent. Empêchons, dans l’unité, la catastrophe avant qu’il ne soit trop
tard.
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