mardi 14 mai 2024

« Le juste prix », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité



Il s’appelle Félix. Il est agriculteur maraîcher. Il y a quelques semaines, il protestait avec des milliers d’agriculteurs contre le sort qui leur est fait. Il nous raconte son quotidien à l’occasion de l’examen du projet de loi agricole à l’Assemblée nationale. Comme nombre de ses semblables, il espère des mesures qui lui permettront de vivre correctement de son travail. À l’autre bout de l’échelle, il y a ces millions de consommateurs qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts et qui constatent que se nourrir correctement devient de plus en plus difficile tant les prix ont augmenté.

Cette question des prix, ceux versés aux producteurs et ceux demandés aux consommateurs, n’est toujours pas cœur des propositions gouvernementales dans ce texte « pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture ». Or, comment garantir les deux termes avancés dans cet intitulé sans aborder la problématique des prix ?

Comment parler « prix » sans évoquer la politique de libre-échange qui les fait chuter ? Il est presque cocasse que les mots Mercosur et Ceta ne figurent pas le texte alors que le gouvernement ose demander à la représentation nationale de débattre sur la « souveraineté en matière agricole ». De quelle souveraineté parle-t-on lorsqu’on empêche les élus de débattre d’un accord qui conduit à intensifier certaines productions destinées à l’exportation en échange d’importation à bas prix, et hors des normes, de bovins, d’ovins, de volailles, de fruits et légumes qui affaiblissent la souveraineté alimentaire ?

Comment penser le « renouvellement des générations en agriculture » quand la seule réponse aux difficultés que rencontrent les agriculteurs pour vivre de leur travail est de les pousser à agrandir leur exploitation en faisant exploser dans certaines régions les prix des terres agricoles ?

Répondre à l’ambition affichée par l’intitulé du texte présenté par l’exécutif pourrait se résumer en une formule : les paysans doivent pouvoir vivre de leur travail, les travailleurs doivent pouvoir manger sainement. Derrière cette évidence, se cache pourtant un enjeu de société. Tout le système doit être repensé dans le sens d’un nouveau projet de développement agricole et alimentaire pour les êtres humains et la nature. Ce qui implique de dire stop aux desiderata ultra-libéraux des grandes firmes agro-industrielles.

 

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