Le pouvoir élyséen est très loin des préoccupations populaires. L’opération
communication du premier ministre avec bottes de pluie pour hurler trois
mesurettes à côté d’une botte de foin n’a pas fait illusion.
La mobilisation des agriculteurs succède à de multiples crises,
révélatrices d’une impasse libérale d’un gouvernement autoritaire, sourd aux
revendications populaires.
Une lame de fond est commune à ces mouvements : les travailleuses et
travailleurs de première ligne n’arrivent pas à vivre dignement de leur
travail. Le gouvernement, la droite, l’extrême droite, le patronat auront beau
opposer ceux qui ont un travail et ceux qui en sont privés, la réalité est que
les richesses produites par le travail sont captées par une minorité.
Les travailleurs de la terre n’échappent pas à cette injustice sociale. Ils
incarnent en effet beaucoup d’enjeux d’une nation qui se veut souveraine :
notre alimentation et avec elle les enjeux de santé publique, l’aménagement du
territoire et l’adaptation face au changement climatique.
Le mal est profond et vient de loin, bien avant l’arrivée de l’actuel
monarque républicain à l’Élysée. L’insertion de notre agriculture dans la
mondialisation libérale a provoqué des dégâts. Au nom de la compétitivité, les
productions agricoles ont été financiarisées comme des marchandises. Vendre au
maximum et au prix le plus bas : le modèle de l’agrobusiness est devenu
l’élément structurant de la vie agricole, au détriment de la masse des
producteurs. À cela s’ajoutent des injonctions contradictoires. Il faudrait
produire plus, mieux et surtout toujours moins cher. Intenable pour une
profession qui se sent souvent pointée du doigt et dont le taux de suicide
révèle le malaise profond.
Les traités de libre-échange, signés en toute opacité par l’Union
européenne, dont les gouvernements français ont été moteurs, ont accentué cette
tendance. On demande aux agriculteurs français de respecter des normes
environnementales et sociales qui ne s’appliquent pas pour les produits
équivalents importés, les « clauses miroirs » n’ayant jamais été
instaurées. L’exemple du dernier accord, signé avec la Nouvelle-Zélande, étant
l’illustration du sacrifice des éleveurs et des laitiers sur l’autel du
libre-échangisme.
Malgré les lois Egalim, qui ont reconnu le problème de la rémunération à
juste prix, les grands groupes de transformation et les grandes centrales
d’achats profitent de leur rapport de force pour capter l’essentiel des marges.
Si nous considérons la production agricole essentielle dans nos vies, il
nous faut revoir l’essentiel de la chaîne, de la manière de produire aux
circuits de distribution et jusqu’à la consommation.
Les tentatives de récupération minables par les réactionnaires et les
libéraux et par la direction de la FNSEA ne feront pas oublier qu’ils ont été
les ardents défenseurs du libre-échange.
Il faut entendre le message principal. La juste rémunération garantie avec
des prix planchers qui rendraient impossible la vente à perte. Alors que
500 000 agriculteurs doivent partir en retraite sous dix ans, le prix
du foncier doit être maîtrisé pour permettre à de jeunes agriculteurs de
pouvoir s’installer et éviter que les exploitations soient accaparées par des
grands groupes ou des puissances étrangères.
Accompagnons enfin la nécessaire transition écologique, déjà entamée, de ce
secteur qui ne peut se résumer à une charge de travail administratif.
N’opposons pas le social et l’écologie comme les droites coalisées essaient
de le faire. Pour l’agriculture comme pour d’autres secteurs d’activité, c’est
la reprise en main populaire des pouvoirs et des richesses face au capital qui
doit unifier celles et ceux qui luttent.
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