Tout ce que la France compte
d’adeptes du libéralisme entonne le même refrain, avec dépit : La France
est incapable de se rassembler pour « réformer ». « Réformes »,
justement arrêtons-nous sur ce terme utilisé hier par SARKOZY, puis par
le couple HOLLANDE-VALLS jusqu’à l’overdose. Et aujourd’hui par MACRON, BORNE,
ATTAL, LE MAIRE…Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire :
"la réforme" est un changement dont le but est d’apporter des
améliorations ». En règle générale ce terme était utilisé pour
donner à son objet une marque progressiste. Pendant des décennies, en gros à la
fin du XIXème siècle jusqu’à la présente crise du capitalisme, au sein du
mouvement ouvrier ou en marge de celui-ci, le mot réforme a désigné des
transformations des rapports capitalistes de production, de propriété ou de
classes destinées à améliorer la condition des travailleurs salariés en
général. En dépit des illusions réformistes, de telles réformes ont constitué
de réels progrès pour les salariés. Aujourd’hui au contraire, lorsque
idéologues et politiciens néolibéraux parlent de
nécessaires « réformes » à entreprendre, ils entendent, remettre
en cause non seulement les conquêtes des travailleurs, fruits de leurs luttes
antérieures, mais encore le principe même selon lequel le sort des travailleurs
pourrait s’améliorer à la faveur de la transformation des rapports capitalistes
de production. C’est ainsi que la « réforme des retraites » génère, en
même temps qu’un allongement de la durée du travail, une dégradation du pouvoir
d’achat des retraités au cours des prochaines décennies, en faisant
réapparaître le spectre de la vieillesse indigente. Dans le discours libéral
« la Réforme c’est la contre-Réforme » !
Les réformes structurelles néolibérales sont facilitées par l’utilisation d’euphémismes qui laissent à penser qu’il s’agit de réformes marginales. Ainsi les politiques d’austérité se transforment en maîtrise des finances publiques. Les termes implicites sont également utilisés pour favoriser la mise en place de politiques néolibérales. Ainsi l’utilisation du mot assainissement pour évoquer les finances publiques laisse à penser « qu’elles ne sont pas saines ». La mise à la diète des fonctionnaires sous-entend que « ces derniers vivent dans l’opulence ».
La modération salariale renvoie à
la même idée concernant les salariés. Dans le même esprit les politiques de
privatisation consistent à faire « respirer » le secteur public et
les politiques de démantèlement du code du travail consistent à
« s’attaquer aux rigidités de ce dernier ». Le rapport à l’emploi est
également décrit d’une manière particulière, puisqu’il s’agit de
« décrocher un emploi », comme s’il s’agissait d’une chance
exceptionnelle. Pour y parvenir, il est demandé d’être « flexible »,
c'est-à-dire de s’adapter aux contraintes horaires ou géographiques de son
employeur, voir « agile », en démontrant par exemple sa capacité à
prendre un emploi de 2 mois à Riga ou à Lisbonne, ou en traversant a rue !
Un plan de licenciement est devenu un « plan social » ou un
« plan de sauvegarde de l’emploi ». Le démantèlement du système de
protection sociale devient un « plan de modernisation et de sauvegarde de
ce système ». Le terme de compétitivité s’insère dans de nombreux domaines
tels que les hôpitaux, les universités. Les usagers des services publics
deviennent des « clients ». La confrontation patrons-syndicats est
également biaisée puisqu’au lieu de la considérer comme un rapport de force,
c'est-à-dire une lutte de classes, la novlangue néolibérale utilise des termes
tels que partenaires sociaux ou dialogue social, qui laissent à penser que les
« partenaires » ont les mêmes intérêts.
A l’arrivée on veut déposséder le peuple de ses mots pour que non seulement il ne puisse plus intervenir sur son avenir mais qu’en plus il ne soit plus en capacité de comprendre. Les néolibéraux n’ont qu’un objectif : celui de faire disparaitre l’idée que le peuple peut prendre en main son avenir. Cette prépondérance du discours néolibéral ne peut s’accommoder de la disparition de termes tels que capital, capitalisme, exploitation, domination. Cette terminologie doit plus que jamais, servir de langage, d’outils d’analyse, de signes de reconnaissance aux protagonistes des luttes anti capitalistes. Il est absolument nécessaire de combattre cette opacité volontairement entretenue pour que le peuple se désintéresse de son propre sort. Cela fait partie intégrante de la lutte des classes !
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