« Que cela passe vite onze
ans », écrivait
Aragon dans son poème publié dans l’Humanité en
1955 dédié au souvenir de Manouchian. Il a en revanche fallu attendre
quatre-vingts ans pour qu’enfin les multiples dimensions de la Résistance
qu’incarnent Missak et Mélinée Manouchian et leurs frères et sœurs d’armes
aient droit aux honneurs du Panthéon.
Ce n’est que justice pour eux, mais aussi pour l’immense armée des FTP
qui fait cortège à leur suite. Derrière Manouchian, c’est la contribution
communiste à la Résistance qui est célébrée, laquelle confondait Français et étrangers dans un même élan à la fois internationaliste et
patriotique.
La composante communiste de la Résistance, ouvrière et populaire,
cosmopolite par essence, est de loin la plus importante numériquement. Elle est
celle qui a pris tous les risques et a versé son sang sans compter pour libérer
la France de la barbarie nazie. Il est crucial de le rappeler à l’heure où
certains, avides de se montrer, ce mercredi 21 février, à l’hommage officiel,
crachent sans vergogne sur les forces et les idéaux qui les animaient.
La part d’ombre de cette cérémonie serait passée inaperçue si l’Humanité n’avait
pas crevé l’abcès de l’affront fait aux résistants par la présence annoncée du
Rassemblement national. En interrogeant le président de la République sur
cette tache, le quotidien de Jaurès a empêché qu’un voile de consensus mou
vienne éclipser le sens même du combat de ceux qui ont donné leur vie pour la
liberté.
Le débat sur la nature du RN est relancé, révélant les progrès
sidérants de sa normalisation. Certains esprits « républicains »
trouvent même l’heure propice pour faire le procès de la Résistance communiste
et réhabiliter l’extrême droite dans un ahurissant renversement des rôles.
À croire que la France entière a été victime d’hallucination
collective depuis 1945 en mettant à l’index les forces d’extrême droite
pour leur filiation avérée avec le régime de Vichy. Il n’y a pas d’« en
même temps » qui tienne avec les héritiers de Pétain. Emmanuel Macron est sorti de
l’ambiguïté, poussé par
les questions de l’Humanité. Les réactions depuis indiquent
que le combat est loin d’être gagné.
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