Les images sont désastreuses. Et feront date. Un président de la République
copieusement hué par des paysans survoltés, des CRS déployés en nombre dans les
allées d’une foire agricole devenue foire d’empoigne, sans doute l’exécutif ne
pouvait pas imaginer pire entrée en matière.
La stratégie de la mesurette a fait long feu. En dépit de l’extrême
hétérogénéité du monde agricole et des revendications – souvent contradictoires
– exprimées tous azimuts depuis plus d’un mois, il est un dénominateur commun à
leur colère qu’Emmanuel Macron n’a plus pu éluder : la question cruciale
du revenu paysan.
« L’objectif, c’est que nous
puissions avoir, filière par filière, des prix planchers », a lâché le chef de l’État. Un double
désaveu de haute voltige. À l’endroit de son ministre de l’Agriculture d’une
part – Marc Fesneau jugeait, fin janvier, la mesure « démagogique » –,
des députés de son propre camp d’autre part qui ont rejeté en bloc, en novembre
dernier, une proposition de loi reprenant celle déposée dès 2013 par le député
communiste André Chassaigne et allant en ce sens.
Reste qu’en Macronie le coup fourré se niche souvent dans les plis de la
belle déclaration. Aux antipodes de la fixation, par l’État, d’un prix
rémunérateur pour le producteur adossé sur un encadrement strict des marges de
l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, l’exécutif promet un
nouveau lifting d’une loi Egalim mal ficelée, écrite pour s’accommoder des logiques
de marché.
Emmanuel Macron n’est pas entré dans le détail. Habile. Le chef de l’État
le sait, les prix planchers, plébiscités par la gauche depuis des années,
contredisent sa politique et celle de ses alliés européens. S’engager sur une
telle mesure quand les eurodéputés s’apprêtent à voter deux accords de
libre-échange avec le Kenya et le Chili relève du cabotinage.
À continuer de jouer du « en même temps », Emmanuel Macron ajoute
de la confusion à la colère. Du pain bénit pour l’extrême droite, avide de
capitaliser sur la souffrance d’une profession exsangue en tenant sous silence
l’inconséquence des votes de ses parlementaires.
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