Qui eût cru que le jeune président aux vues libérales qu’on prétendait
si « modernes » aurait tant à apprendre de son prédécesseur du
XXe siècle, Jacques Chirac, au bilan pourtant justement
décrié ? On a déjà dit dans ces colonnes, au moment de l’embrasement qui a
suivi la mort de Nahel à Nanterre, combien Emmanuel Macron aurait bien
fait d’imiter le vainqueur de Jean-Marie Le Pen en 2002.
Le chef de l’État aurait dû faire siens certains propos de Jacques Chirac
lors des émeutes urbaines de 2005, assurant les enfants des quartiers
populaires qu’ils étaient « les filles et les fils de la
République ». Il s’en est montré incapable, laissant la droite
attiser la haine contre les jeunes des cités ouvrières désignés
comme de « faux Français », à exclure en raison de
leurs origines supposées.
La loi immigration portée par Gérald Darmanin creuse le même sillon du
soupçon et du tri entre les résidents sur le sol national, allant jusqu’à
dénier la qualité de Français à des enfants nés en France. Après le
vote du texte dans des conditions indignes, où tout principe a été abandonné
pour un accord en commission mixte paritaire qui fait le lit des idées xénophobes,
le président de la République pourrait retrouver le chemin de l’honneur et de
la concorde en renonçant à appliquer sa loi.
Le précédent du contrat première embauche (CPE), en 2006, montre que
c’est possible. Pour sortir du bras de fer qui l’opposait à une large part du
pays emmenée par la jeunesse, Jacques Chirac avait décidé, après
avoir forcé l’adoption de sa mesure au Parlement, de renoncer à son entrée
en vigueur.
Au lieu de s’en inspirer, le président campe sur la certitude que les
Français soutiennent ses recettes dictées par la droite et l’extrême
droite. C’est pourtant pour y résister qu’ils l’ont élu, comme le rappellent
les signataires chaque heure plus nombreux de notre appel à ne pas promulguer
cette loi liberticide, tandis que des collectivités annoncent ouvertement
qu’elles ne l’appliqueront pas. Sauf à vouloir diviser davantage le pays, le
président de la République doit stopper sa mise en œuvre. À défaut, ce
sera au Conseil constitutionnel de le faire à sa place.
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