jeudi 28 décembre 2023

« Depardieu et les monstres sacrés du masculinisme », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



« Oh ça va, c’est Gérard ! » Combien de fois cette phrase a-t-elle été jetée aux femmes agressées, humiliées, sommées de sourire et de se taire ? Comme si être le « monstre sacré » du cinéma français offrait un passeport d’impunité ou conférait un droit à l’obscénité. Mais les femmes ont parlé. Avec beaucoup de courage. Par dizaines. Certaines ont porté plainte. D’autres se sont exprimées dans les médias. Les journalistes ont enquêté, le voile a été levé. Et puis, on pouvait espérer que #MeToo avait – un peu – changé les choses. Que cette révolution, bien que fragile, avait éveillé notre société à l’ampleur et aux mécanismes des violences faites aux femmes, restées des corps à disposition.

Le débat suscité par la diffusion du Complément d’enquête sur Gérard Depardieu démontre qu’il n’en est rien. La tribune affligeante de « soutien » à la star, qui tient du réflexe de classe : « pas touche aux puissants », cumule tous les clichés masculinistes. Pauvre Gégé national, victime de « lynchage »… Accuser les victimes d’être les bourreaux pour mieux les faire taire est un classique du genre. Le même refrain a été chanté en boucle lors de l’affaire DSK : « Je le connais bien, il n’a pas besoin de ça, il a toutes les femmes à ses pieds »… Oui, les hommes de notre entourage, si doués ou si charmants en apparence soient-ils, peuvent être des agresseurs. 9 victimes sur 10 connaissent leurs violeurs. Un viol sur deux est commis par un conjoint ou ex-conjoint.

Cette ligne de défense du comédien contient exactement les mêmes arguties que lors du retour de bâton post-MeToo. Et ce n’est pas un hasard si la presse française réactionnaire s’en est emparée. C’est dans le Figaro que Gérard Depardieu s’est exprimé, avant sa famille dans le JDD. Quant à la tribune, elle a été initiée par Yannis Ezziadi, acteur et éditorialiste pour le magazine Causeur. Que l’extrême droite organise et relaie, via l’empire Bolloré, ce torrent de boue réactionnaire n’est pas surprenant. Qu’un président de la République qui avait prétendu faire de la lutte contre les violences faites aux femmes « la grande cause » de son quinquennat explique que Depardieu « rend fier la France » et regrette une « chasse à l’homme » est plus inquiétant. Comme un lendemain féministe qui déchante. « Debout les femmes », le combat sera encore long !

Haut du formulaire

Bas du formulaire

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

ÇA PLEURE UN HOMME !

Un homme ne pleure pas, un homme réfléchit, il fait taire son cœur, il est impénétrable.   Voilà ce que disait le vieillard vénérable au c...