Haine : Vous connaissez la formule : dans
les périodes de grandes tensions internationales qui, parfois, endorment la
vigilance, il se produit dans l’Histoire – avec sa grande H – des événements terrifiants
et pourtant si prévisibles.
Ainsi en est-il des attaques criminelles du Hamas
contre les localités israéliennes de « l’enveloppe » de la bande de
Gaza. Beaucoup de sidération, bien sûr. Et un sentiment de désolation et de
cauchemar par le moment choisi, l’ampleur et l’audace inédites de l’opération
et la dévastation qu’elle a provoquée, ainsi que, côté israélien, par la totale
incurie des renseignements militaires et civils (Shin Beth) et le désarroi
initial des forces de défense.
Autant le dire : depuis des années, avec
l’épuisement des accords d’Oslo conclus il y a tout juste, trente ans, les
regards (pas les nôtres) s’étaient quelque peu détournés d’un conflit
israélo-palestinien jugé sans issue. Un peu partout dans le monde, la tentation
de l’occultation s’était imposée, au point de laisser les mains libres au
gouvernement israélien d’extrême droite, sachant qu’avait échoué, dans les
esprits, cette tentative de paix entre Israéliens et Palestiniens reposant sur
un partage honorable de cette terre disputée.
Une paix d’autant plus illusoire que, pendant la même
période, la colonisation israélienne de la Cisjordanie n’a cessé de s’étendre,
avec son lot d’exactions semeur de haine.
Escalade : Il était de même illusoire – la preuve
– d’accorder du crédit à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas,
87 ans, unique interlocuteur d’Israël et de la communauté internationale,
ce dernier ayant fini de perdre tout crédit à force d’impuissance, d’impéritie
ou encore, dans le cas de son dirigeant, de saillies sinistrement antisémites
et du mirage de la terreur et de la guerre.
Le Hamas a désormais tout perdu et l’escalade en cours
ne s’arrêtera pas demain. Terrorisme, crimes de guerre… qu’importent les mots
quand l’ignominie s’accorde avec l’impensable. Reste une première vérité :
le Hamas n’est pas la Palestine ni le peuple palestinien.
Peut-on encore critiquer les politiques
des gouvernements israéliens ?
Anathème : Avec une organisation islamiste
meurtrière d’un côté et une politique israélienne qui ne l’est pas moins de
l’autre, tous les éléments d’une déflagration étaient donc en place. Reste une
seconde vérité : face à de tels faits, qui menacent une nouvelle fois le
Proche-Orient tout entier, pourra-t-on encore, demain, continuer de critiquer
les politiques iniques des gouvernements israéliens sans être traités
continuellement d’« antisémites » ?
Le bloc-noteur et éditorialiste, comme de nombreux
journalistes de l’Humanité, a souvent subi l’immonde anathème.
Cette qualification, en contradiction avec les combats personnels et collectifs
de la plupart de ceux qui en sont accusés, se veut infâme et déshonorante.
Depuis de nombreuses années, combien d’élus français de gauche ont-ils été
refoulés d’Israël en raison de leur soutien à la campagne BDS ?
N’oublions pas que, en 2010, en publiant son
virulent À un ami israélien (Flammarion), Régis Debray en
personne fut outragé parce qu’il avait osé écrire, par exemple, à son
propos : « Si ce bonhomme nous critique, c’est qu’il est
dépourvu de « l’ahavat Israël », il n’aime pas notre peuple. Tout le
reste en découle. Passons. » Rappelons que, en 2011, Stéphane
Hessel fut lui aussi victime d’une campagne scandaleuse et d’un procès en
« antisémitisme » pour des raisons identiques, ce qui avait suscité
un appel de soutien au vieil homme, publié dans l’Humanité et Libération, cosigné
notamment par Alain Badiou, Étienne Balibar, Ivar Ekeland, Jean-Marc
Lévy-Leblond, Marie-José Mondzain, Jacques Rancière, Emmanuel
Terray, etc., dans lequel on pouvait lire : « Un homme
qui a dédié toute sa vie au combat pour la liberté se voit ainsi interdit de
parole pour avoir rappelé les droits du peuple palestinien. »
Critiquer l’extrémisme des pouvoirs israéliens qui
violent depuis des décennies tous les chapitres du droit international serait
donc systématiquement de l’antisémitisme ? Cette idée, hors de toute
raison, est devenue un lieu commun. Et honnir le Hamas fait-il de nous des
xénophobes anti-arabes ? Honte à ce type de propagande.
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