Savez-vous combien de détenus meurent chaque année
dans les prisons françaises ? Pas vraiment ? C’est normal,
ce chiffre est aujourd’hui gardé secret par l’administration pénitentiaire.
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, instance indépendante, évoque plus de 250 personnes,
dont « environ » 120 suicides. Des estimations sans plus de précision,
notamment sur les circonstances de ces décès. Bon nombre – une centaine – restent
floues aux yeux de proches confrontés au manque de transparence, à des
procédures bâclées. Et, au final, condamnés à imaginer le pire. Cette omerta
carcérale est intolérable. Elle jette, à tort ou à raison, la suspicion sur les
agissements violents des personnels et le discrédit sur toute une institution
censée assurer la protection des détenus, laissant penser que les lois de la
République s’arrêtent aux portes du pénitencier.
« On mesure le degré de civilisation d’une société en visitant
ses prisons », écrivait Dostoïevski, repris par Albert Camus. La citation siffle depuis des années aux
oreilles de l’État français. Déjà épinglé par les instances européennes pour la
surpopulation dans les cellules, il s’avère, de fait, aussi défaillant
lorsqu’il s’agit d’éclaircir ces morts « suspectes ». Or, le respect du droit derrière les barreaux, comme
dans les commissariats, n’est pas un sujet accessoire. Vis-à-vis des familles,
l’administration a un devoir de vérité. Et vis-à-vis des autres détenus, comme
de la société, un devoir d’exemplarité. L’opacité, l’arbitraire, la
dissimulation nourrissent le ressentiment, le doute, la colère. Ils sapent la
confiance dans la justice et la promesse de réinsertion.
Face à ces morts inexpliquées, on ne peut pas se contenter
de la seule réponse qu’offrent, pour le moment, le gouvernement et son garde
des Sceaux quand on parle prison : construire plus de places. L’avenir de l’administration pénitentiaire
ne se joue pas que sur une question architecturale. S’il y a une place à faire derrière ces hauts
murs, elle doit être réservée au respect
du droit.
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