jeudi 10 août 2023

« Poison », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Du droit du travail au travail sans droits. Depuis une dizaine d’années, le poison de l’ubérisation s’attaque à tous les pans de l’économie. Pas un domaine n’échappe aux visées dérégulatrices de nos chers libéraux et de leur mirage d’«autoentrepreneuriat». Après lhôtellerie, les transports de personnes ou encore la livraison à domicile, cest au tour des musées de subir leurs assauts. En juin dernier, les guides conférenciers du musée national de lHistoire de limmigration, jusqu’ici salariés de l’établissement public, expliquaient comment leur mission avait été externalisée vers une société privée. Avec obligation, s’ils souhaitaient continuer, de prendre un statut de «microentrepreneur», perdant au passage près de 50% de leur rémunération Malheureusement, ce brutal processus de précarisation nest pas un cas isolé. Et pourrait concerner le musée du Louvre, le saint des saints, en passe de confier à ce même genre de prestataires privés lensemble du secteur des guides conférenciers à compter de 2024.

Une telle évolution met en péril l’avenir de la profession. L’ubérisation pressure les travailleurs, épuise leur quotidien, fragilise leurs droits et l’avenir de notre modèle de protection sociale. Mais ce n’est pas tout. Dans ce cas précis, elle fait peser également une lourde menace sur la démocratisation de la culture. Les guides ne sont pas que des passionnés d’histoire. Ils sont là pour assurer l’une des quatre missions principales des musées, telles que définies dans le Code du patrimoine. À savoir: «Mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture.» En dégradant ce métier, c’est le partage de notre bien commun artistique qui est dégradé. Et la diffusion du savoir ravalé au rang de produit mercantile.

Le combat des guides conférenciers nous concerne tous. Et s’inscrit dans une lutte plus vaste contre les velléités réformatrices d’un Emmanuel Macron, soutien indéfectible du modèle Uber. En juillet, la Lettre A révélait comment quatre fidèles du chef de l’État le poussent à relancer la déréglementation de nouvelles professions. Nous sommes prévenus. S’il est un art que ces gens-là admirent, c’est celui de la précarité.

 

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