Un Parlement bafoué, des brèches constitutionnelles
instrumentalisées par un exécutif omnipotent, des grévistes réprimés, des
rassemblements interdits, des manifestants tabassés : rien d’inédit. Partout
où, dans le « monde libre », se sont déployées, ces dernières années, d’impopulaires politiques
d’austérité et de démolition sociale, les principes démocratiques, les libertés
ont été mis en charpie. En Europe, le martyre grec en a offert l’illustration
la plus cruelle, avec les mémorandums des créanciers se substituant à la loi.
Non, capitalisme et démocratie ne sont pas les deux faces d’une même pièce. Les
papes du néolibéralisme n’ont d’ailleurs jamais dissimulé leur aversion pour le
gouvernement du peuple.
« Je dois admettre franchement que si la démocratie veut dire gouvernement par la volonté
arbitraire de la majorité, je ne suis pas démocrate ; je considère même un
tel gouvernement comme pernicieux », clamait en 1983 le prix Nobel d’économie Friedrich
Hayek. Louis Rougier, pionnier du néolibéralisme en France, se désespérait, lui
aussi, de voir « la politique économique, budgétaire et monétaire des États » décidée « sous la pression des masses électorales ». Quant au « libéral-démocrate » Raymond Aron, il redoutait ouvertement de voir « le libéralisme politique » conduire « de manière presque fatale à un système d’économie partiellement dirigé et partiellement socialiste ». Et dans sa hiérarchie assumée des libertés, le monétariste Milton Friedman,
qui forma les Chicago Boys d’Augusto Pinochet, plaçait au sommet la liberté
économique, qu’il tenait pour « une fin en soi ». Le néolibéralisme, ce n’est pas la démocratie. C’est le règne du fric,
des marchés financiers, des agences de notation ; c’est la décision politique indexée sur les fluctuations boursières.
Ultime chausse-trappe du « cheminement
démocratique » dont il se flatte, l’exécutif invoque aujourd’hui, pour empêcher l’abrogation de sa réforme des retraites, l’article 40 de la Constitution, qui retire de facto aux députés et sénateurs l’initiative de la dépense publique. Le message est limpide : « Ne touchez
pas au grisbi. » Il est temps que tombe cette dictature de l’argent.
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