mardi 23 mai 2023

« Dictature de l’argent », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Un Parlement bafoué, des brèches constitutionnelles instrumentalisées par un exécutif omnipotent, des grévistes réprimés, des rassemblements interdits, des manifestants tabassés: rien dinédit. Partout où, dans le «monde libre», se sont déployées, ces dernières années, d’impopulaires politiques d’austérité et de démolition sociale, les principes démocratiques, les libertés ont été mis en charpie. En Europe, le martyre grec en a offert l’illustration la plus cruelle, avec les mémorandums des créanciers se substituant à la loi. Non, capitalisme et démocratie ne sont pas les deux faces d’une même pièce. Les papes du néolibéralisme n’ont d’ailleurs jamais dissimulé leur aversion pour le gouvernement du peuple.

«Je dois admettre franchement que si la démocratie veut dire gouvernement par la volonté arbitraire de la majorité, je ne suis pas démocrate ; je considère même un tel gouvernement comme pernicieux», clamait en 1983 le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek. Louis Rougier, pionnier du néolibéralisme en France, se désespérait, lui aussi, de voir «la politique économique, budgétaire et monétaire des États» décidée «sous la pression des masses électorales». Quant au «libéral-démocrate» Raymond Aron, il redoutait ouvertement de voir «le libéralisme politique» conduire «de manière presque fatale à un système d’économie partiellement dirigé et partiellement socialiste». Et dans sa hiérarchie assumée des libertés, le monétariste Milton Friedman, qui forma les Chicago Boys d’Augusto Pinochet, plaçait au sommet la liberté économique, qu’il tenait pour «une fin en soi». Le néolibéralisme, ce n’est pas la démocratie. C’est le règne du fric, des marchés financiers, des agences de notation; cest la décision politique indexée sur les fluctuations boursières.

Ultime chausse-trappe du «cheminement démocratique» dont il se flatte, lexécutif invoque aujourdhui, pour empêcher labrogation de sa réforme des retraites, larticle 40 de la Constitution, qui retire de facto aux députés et sénateurs linitiative de la dépense publique. Le message est limpide: «Ne touchez pas au grisbi.» Il est temps que tombe cette dictature de largent. 

 

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