Rarement décision d’une instance que personne ou
presque ne connaissait avant jeudi n’aura provoqué un tel sentiment de colère.
À rebours de très nombreux experts du droit, le Conseil constitutionnel a donné
quitus à l’exécutif de ses méthodes brutales et autoritaires, au motif qu’elles
font partie intégrante de la panoplie des instruments prévus par la Loi
fondamentale. Un peu comme si un tribunal relaxait un voleur au motif que certains
moyens employés pour spolier la collectivité peuvent entrer dans le champ de la
loi, même s’ils n’ont pas été pensés dans ce but.
Légaux, les usages combinés du 49.3 et de la
limitation des débats au Parlement, les approximations – pour ne pas dire
l’enfumage – des ministres face à la représentation nationale, ou encore
le recours à une loi de finances rectificative purement fictive pour réformer
les retraites ? Peut-être. Le droit n’est pas une science exacte, et l’on a vu bien des fois des juristes dire blanc là, où d’autres voyaient noir. L’essentiel est ailleurs : fallait-il
que le gouvernement pioche à sa guise dans cet arsenal dans le seul but de
contourner une opposition et une mobilisation sociale historiques ? C’est sur ce sujet qu’on attendait l’avis des « sages ». On sait au moins depuis Montesquieu que, pour se prémunir de l’arbitraire, il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Or,
là-dessus, les juges de la rue Montpensier ont failli. Au lieu de protéger les
citoyens des abus de pouvoir, ce qui est normalement le rôle d’une
Constitution, le Conseil a avalisé les manœuvres de l’exécutif pour enchaîner
le Parlement. Cela restera comme une tache au fronton de l’institution.
De là à parler de dérive absolutiste avec la
complicité des « sages », il n’y a qu’un pas. Le choix d’Emmanuel Macron de promulguer sans délai la loi qui recule de deux années l’âge légal de la retraite,
contre la demande unanime des syndicats, autorise à le franchir sans
hésiter. « C’est d’usage », répond-on
dans l’entourage de l’Élysée. Comprendre : il n’y a pas lieu
de s’émouvoir, puisque les choses vont comme à l’habitude.
Sur son journal, le roi Louis XVI avait écrit à la page du 14 juillet 1789 : « Rien ».
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