dimanche 16 avril 2023

« Rien », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Rarement décision d’une instance que personne ou presque ne connaissait avant jeudi n’aura provoqué un tel sentiment de colère. À rebours de très nombreux experts du droit, le Conseil constitutionnel a donné quitus à l’exécutif de ses méthodes brutales et autoritaires, au motif qu’elles font partie intégrante de la panoplie des instruments prévus par la Loi fondamentale. Un peu comme si un tribunal relaxait un voleur au motif que certains moyens employés pour spolier la collectivité peuvent entrer dans le champ de la loi, même s’ils n’ont pas été pensés dans ce but.

Légaux, les usages combinés du 49.3 et de la limitation des débats au Parlement, les approximations – pour ne pas dire l’enfumage – des ministres face à la représentation nationale, ou encore le recours à une loi de finances rectificative purement fictive pour réformer les retraites? Peut-être. Le droit nest pas une science exacte, et lon a vu bien des fois des juristes dire blanc là, où d’autres voyaient noir. L’essentiel est ailleurs: fallait-il que le gouvernement pioche à sa guise dans cet arsenal dans le seul but de contourner une opposition et une mobilisation sociale historiques? Cest sur ce sujet quon attendait lavis des «sages». On sait au moins depuis Montesquieu que, pour se prémunir de larbitraire, il faut que «le pouvoir arrête le pouvoir». Or, là-dessus, les juges de la rue Montpensier ont failli. Au lieu de protéger les citoyens des abus de pouvoir, ce qui est normalement le rôle d’une Constitution, le Conseil a avalisé les manœuvres de l’exécutif pour enchaîner le Parlement. Cela restera comme une tache au fronton de l’institution.

De là à parler de dérive absolutiste avec la complicité des «sages», il ny a quun pas. Le choix dEmmanuel Macron de promulguer sans délai la loi qui recule de deux années l’âge légal de la retraite, contre la demande unanime des syndicats, autorise à le franchir sans hésiter. «Cest dusage», répond-on dans l’entourage de l’Élysée. Comprendre: il ny a pas lieu de s’émouvoir, puisque les choses vont comme à l’habitude. Sur son journal, le roi Louis XVI avait écrit à la page du 14 juillet 1789: «Rien»

 

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