mercredi 5 avril 2023

« La décision que la sagesse impose », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Est-il normal, en démocratie, que les citoyens doivent en appeler au Conseil constitutionnel pour que leur avis majoritaire soit enfin entendu? Ses membres ont pour fonction de vérifier la conformité dun texte à la Loi fondamentale, pas de dénouer les crises sociales et politiques de la nation. Cest pourtant vers eux, dont le conservatisme des vues n’est plus à démontrer, que se tourne aujourd’hui l’espoir de tout un peuple. Sauront-ils être sensibles à la raison qui semble avoir déserté les bancs des ministres, et prendre la décision que la sagesse impose en censurant la réforme des retraites? Tout les y incite, à commencer par le choix du gouvernement de passer par une loi de financement de la Sécurité sociale pour user du 49.3 sur les textes budgétaires. La Constitution a ainsi été détournée pour satisfaire la volonté de passage en force de l’exécutif. Une censure rétablirait le Parlement dans sa dignité, à défaut de le rétablir dans ses droits.

Mais l’enjeu dépasse la lettre de la Constitution, même si son respect est le minimum à attendre d’un gouvernement dans un État de droit. Or, on le sait, il y a différentes façons de juger des problèmes de constitutionnalité. Selon qu’on adopte un juridisme étroit, ou qu’on envisage la réforme des retraites dans toute son ampleur à l’aune des principes constitutionnels, la décision ne sera pas la même. Entre les deux, il y a toute la latitude du regard politique des juges sur la réforme, quoiqu’ils s’en défendent, et du sens de leur responsabilité dans ce moment historique: simple point de droit, ou problème de société qui questionne notre démocratie?

Dans une autre vie, l’actuel président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, étrillait le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. C’était en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. À l’époque, l’ancien premier ministre observait: «En démocratie, il y a une procédure extrêmement simple: cest de consulter les Français.» On ne voit pas pourquoi ce qu’il estimait juste alors ne le serait plus à ses yeux ­aujourd’hui.

 

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