vendredi 31 mars 2023

Une fleur !



Elle cueille une fleur, la laisse sur la table. A qui donc aujourd'hui pourrait-elle l'offrir. Elle se sent si seule, elle se sent coupable de n'avoir pu garder même les souvenirs. Elle imagine alors un nom sur une liste, quelqu'un qui lui dirait c'est moi, c'était hier, j'étais ton musicien, ton accordéoniste, rappelle-toi ces chants, rappelle-toi ces airs. Ou bien un autre-là qui sortirait de l'ombre, glisserait son image et dirait son prénom, elle est comme un vaisseau qui tangue et puis qui sombre, dans le vide infini d'un océan sans fond. Elle espère un instant et soudain tout s'arrête, est-ce bien celui-là, elle a tout oublié comme si quelque vent soufflait fort en sa tête et dispersait au loin des morceaux de passé. Nul ne pourra l'aider, à chacun son histoire, ses jardins, ses secrets qu'elle garde au fond du cœur. A la merci du temps et de cette mémoire qui détruit sans pitié la plus belle des fleurs.

« La pieuvre brune », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

 


LE GRAND PROJET DE BOLLORÉ: CONSTRUIRE UNE HÉGÉMONIE CULTURELLE EN PRODUISANT POST-VÉRITÉ ET FAKE NEWS.

Les étapes s’enchaînent, les unes après les autres. Un plan méthodiquement pensé et appliqué pour prendre le contrôle, morceau par morceau, maillon par maillon, du monde de l’édition et de sa chaîne de production. Derrière cette offensive de grande ampleur que conduit Vincent Bolloré, on trouve une ambition: laccaparement, si ce nest total, du moins le plus large possible des moyens de communication et de diffusion des idées. L’objectif: leur soumission au service exclusif dune idéologie. Et cest Éric Zemmour qui en donnait les fondamentaux: «Vincent Bolloré est très conscient du danger de civilisation qui nous guette, de remplacement de civilisation… Il a un sentiment de mission, absolument.» Une surprise pour personne, tant la transformation de la chaîne I-Télé en CNews s’est accompagnée jusqu’à la caricature de la création d’émissions dans lesquelles les polémistes d’extrême droite sont quotidiennement à l’honneur. Et que dire de C8 et de son intouchable animateur vedette, Cyril Hanouna, qui peut tout se permettre et même être condamné sans aucune conséquence…

En faisant main basse sur le monde l’édition, Vincent Bolloré rêve de faire mieux que son modèle, Rupert Murdoch. Le grand projet de l’homme d’affaires breton est non seulement de contrôler la diffusion des idées, mais également leur production. Faciliter la publication d’essais et de pamphlets défendant des idéologies conservatrices et des thèses réactionnaires. Médiatiser leurs auteurs, les populariser et, pourquoi pas, leur donner un vernis scientifique en les reprenant et les présentant tout ou partie dans des manuels scolaires. Et exit ceux qui ne sont pas dans le moule.

Certes, Bolloré n’est qu’un parmi les milliardaires qui ont mis la main sur les moyens de diffusion de l’information et du débat d’idées. Mais il lui applique une conception d’intégration verticale de la bataille idéologique en vue de construire une hégémonie culturelle en produisant post-vérité et fake news à égalité avec les arguments rationnels et scientifiques. Une menace inédite contre les avancées sociales et sociétales, et contre la démocratie.

 

jeudi 30 mars 2023

« Un État à bout de souffle », l’éditorial de Marie-José Sirach dans l’Humanité.



Quand la force publique ne sait que porter des coups, réprimer, éborgner, blesser; quand elle procède à des interpellations arbitraires, des gardes à vue à tour de bras dont celles de dizaines de lycéens mineurs ces derniers jours; quand lusage de la violence devient institutionnel, cest bien que l’État est incapable de répondre politiquement à un mouvement social majoritaire qui conteste la légitimité et le bien-fondé de sa réforme des retraites. Quand l’État est à bout de force politique, qu’il n’emporte plus l’adhésion de sa population, il ne lui reste que la force policière. Quand l’État, dans sa forme jupitérienne, n’a plus que la matraque pour dénigrer un mouvement populaire, c’est bien qu’il est à court d’arguments.

La puissance policière contre la ­puissance des idées, la multiplication des bataillons de police contre la multiplication des cortèges de manifestants, toute cette mise en scène guerrière de l’ordre républicain orchestrée par le ministre de l’Intérieur résonne alors comme un aveu de faiblesse politique. Les éborgnés, les blessés, les gardés à vue humiliés, ce sont des hommes et des femmes, en chair et en os. Ils sont la puissance populaire. Derrière leurs blessures, c’est la démocratie qu’on éborgne.

Depuis qu’il est élu, Emmanuel Macron maltraite les corps intermédiaires, la population, la jeunesse, tous incapables, selon lui, de comprendre les bienfaits de sa réforme. Tout le monde ne sort pas de Polytechnique ou de HEC, pauvres de nous… En méprisant, violentant le corps social de la sorte, ce sont les corps tout court qui sont maltraités. Si la démocratie trouve sa légitimité au Parlement, elle la trouve aussi dans le monde du travail, dans le ­dialogue, la négociation et dans la rue. Ainsi va notre République. Alors, quand le gouvernement ­choisit de passer en force, qu’il a ­recours à la force publique, abrité derrière son usage réputé légitime, incapable d’emporter l’adhésion, c’est bien qu’il y a quelque chose de pourri en Macronie.

 

 

mardi 28 mars 2023

« L’arrogance crasse de l’exécutif » l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité.



Au royaume en perdition du monarque élu, le mépris n’a donc plus de limites. Alors que la dixième journée de mobilisation se déroulait, ce mardi 28 mars, avec le succès que nous connaissons, les thuriféraires du prince-président en ont rajouté dans la provocation. Le secrétaire général de la CFDT en sait quelque chose. Après avoir proposé «une pause» dans le processus de la loi sur les retraites, Laurent Berger était mandaté par l’intersyndicale pour une demande de «médiation», sachant qu’un courrier devait être envoyé à l’Élysée. Croyez-le ou non, mais la manifestation parisienne ne s’était même pas encore élancée que le porte-parole du gouvernement, dans son compte rendu du Conseil des ministres, lançait un nouveau bras d’honneur à l’intersyndicale: «Nous saisissons la proposition de se parler, mais nul besoin de médiation», expliquait Olivier Véran. La stratégie du pire et de l’escalade. Au point que nous pouvons désormais nous demander: où sarrêtera larrogance crasse de lexécutif?

«Ça commence à suffire, les fins de non-recevoir», répliquait Laurent Berger, jugeant la réponse du gouvernement «insupportable». Une idée sans doute partagée par certains membres de la majorité présidentielle – du moins ce qu’il en reste. Les députés Modem, par exemple, n’hésitaient pas à se déclarer «favorables» à une médiation. Manière d’affirmer, sans le crier trop fort: jusquoù ira le président, qui n’écoute ni la rue, ni les syndicats, ni les forces politiques, pas même ses partisans?

Emmanuel Macron, tout seul, accroché à cette idée sarkozienne selon laquelle le courage en politique (sic) consiste à affronter la colère populaire et à ne «jamais céder», se vit peut-être en héros thatchérien dans le secret de son intimité. Il devient surtout le fossoyeur de la démocratie française. Comme le dit dans nos colonnes l’écrivain Nicolas Mathieu: «Lidée quil se fait de son rôle et du bien du pays menace la paix civile, parce quelle implique un déni de laltérité et que lautoritarisme qui en découle enflamme des pans entiers de notre société.» Et le lauréat du prix Goncourt 2018 précise: «Par sa méthode et son obstination, son mépris et sa surdité, il a libéré des réserves de rage quil nimagine pas.» Rien à ajouter.

« Isolement élyséen », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



La ficelle est grosse, et la corde bien usée. Après avoir ignoré superbement tout dialogue social durant des mois, Emmanuel Macron, acculé par un mouvement social qui ne faiblit pas d’un iota, se lance dans une de ces opérations de diversion qu’il affectionne tant. Les gilets jaunes avaient eu droit à un «grand débat national». Cette fois, Élisabeth Borne ouvre une «séquence de consultations» où doivent défiler, durant trois semaines, parlementaires, partis politiques, élus locaux et partenaires sociaux – s’ils viennent. Après avoir fermé sa porte à double tour, l’exécutif se fait apôtre du dialogue social, promet une «nouvelle méthode» et «l’apaisement»… On croit rêver.

UNE TENTATIVE D’AMADOUER SYNDICATS ET OPINION PUBLIQUE, SANS RIEN CÉDER SUR LE FOND.

Ce scénario réchauffé n’est qu’une tentative – pour la forme – d’amadouer syndicats et opinion publique, de reprendre la main sans rien céder sur le fond. De toute manière, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a déjà prévenu: «La loi sur les retraites est derrière nous.» Et, aussi fou que cela puisse paraître, il n’y aura rien à négocier, dans ce comité Théodule, sur le sujet qui jette des millions de Français dans la rue depuis deux mois. Seuls resteront, encore une fois, le mépris et le déni. Deux jambes du macronisme qui définissent si bien cette conception jupitérienne du pouvoir dont le chef de l’État, en dépit de ses promesses creuses, ne s’est jamais départi depuis 2017.

Emmanuel Macron n’a rien renouvelé des pratiques politiques. Sa jeunesse n’est qu’un visage. Poussant à l’extrême les dérives verticales de la Ve Répu­blique, le voilà drapé, inflexible, dans son isolement élyséen, réduisant l’expression démocratique à un «cause toujours» mâtiné de répression, dans le verbe comme dans la matraque, dont la violence inquiète ONG et organisations des droits de lhomme bien au-delà de nos frontières. Les escouades de policiers juchés sur des quads à Sainte-Soline, fonçant sur la foule, armés de lance-grenades et de LBD devraient faire honte au chef de l’État. Les cortèges de cette dixième journée de mobilisation se chargeront de lui rappeler que la volonté du peuple ne se laisse pas aussi facilement étouffer.

 

lundi 27 mars 2023

Écrire…



Il nous faut écrire encore et encore pour qu’au gris des jours quelques voix s’élèvent, pour faire des soleils même avant l’aurore, et peupler de fleurs la plus triste grève. Il nous faut écrire malgré les tempêtes qui secouent le monde et le noie de sang, afin que l’amour scelle la défaite de ces noirs desseins et de ces tyrans. Il nous faut écrire au-delà des grilles qui bradent la vie et qui tuent les voix. Peindre un grand sourire aux lèvres des filles, dansant à jamais des rondes de joie. Il nous faut écrire pour ouvrir les portes, donnant sur l’amour et la liberté.  Mettre dans ces vers que le vent emporte le souffle d’un cœur et la joie d’aimer. Il nous faut écrire pour veiller toujours et pour dénoncer les sinistres ombres. Chacun sa façon, chacun ses détours pour hurler la vie avant qu’elle ne sombre. Il nous faut écrire pour chasser les doutes,  bâtir un ailleurs qu’on n’a pas trouvé et créer un monde avec mille routes afin d’accueillir tous les égarés. Il nous faut écrire jusqu’à plus pouvoir, demander au ciel un peu de répit,  juste un peu de temps et encore vouloir une ultime fois dire on écrit.

dimanche 26 mars 2023

« Fierté », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



La CGT a choisi les volcans d’Auvergne pour décor de son congrès. Une manière peut-être involontaire de rappeler qu’entre deux éruptions, le cratère ne dort jamais. Qui aurait pu prédire, il y a quelques semaines encore, l’explosion sociale en cours, son caractère massif, son dynamisme et sa ténacité? Ce mouvement historique plante le décor extraordinaire des débats des délégués du syndicat dirigé par Philippe Martinez, et rebat toutes les cartes. Ceux qui théorisaient sans fin sur le déclin inéluctable des syndicats, ou sur la lutte de classes dépassée par le «réalisme» des discussions polies entre «partenaires sociaux», en sont pour leurs frais. Ce sont eux qui sont dépassés: dépassés par la rue, dépassés par les Français qui soutiennent à une écrasante majorité la grève et l’intersyndicale pour faire reculer le gouvernement.

Le congrès de la CGT s’ouvre, mais l’avenir de la centrale se joue pour une bonne part en ce moment dans la rue. Les bulletins d’adhésion affluent, les jeunes se pressent derrière ses camions de sono et plébiscitent l’unité et le rôle moteur de la vieille centenaire qui ne «lâche rien». Bien sûr, quand les chants et les slogans se tairont, un autre combat commencera pour le ou la successeur·e de Philippe Martinez: fidéliser et organiser dans les luttes quotidiennes tous ces primo-manifestants, les précaires, les ubérisés, les étudiants salariés, les travailleurs à domicile, les employés des TPE, souvent isolés, loin de tout syndicat.

En attendant, les confédérations tiennent une belle revanche. Méprisées par Emmanuel Macron, qui considérait pouvoir se passer d’elles – la CFDT, interlocutrice attitrée du pouvoir, en a été la plus meurtrie –, reléguées par des lois qui font primer le dialogue social en entreprise à la négociation nationale, elles scellent leur retour dans l’unité, sur une base imprévue: le rapport de force dans la lutte. La violence d’État inouïe contre les manifestants ny change rien. Le choix de la CGT dun syndicalisme offensif, unitaire, ouvert est conforté. Philippe Martinez peut quitter ses fonctions avec fierté.

 

vendredi 24 mars 2023

Nouvelle : « Les larmes d’une jeune fille »



A la fenêtre du bus, une jeune fille assise. Elle a la tête contre la vitre, les yeux perdus dans le défilement de la ville. Les lumières s’étirent en longues traînées brillantes le long des gouttes de pluie. Elle a les cheveux lâchés, du maquillage noir sur les paupières, cela lui donne l’air méchant. L’air farouche. Elle pleure doucement. Pas de sanglots, juste des larmes qui coulent le long de ses joues et emportent à la fois le maquillage. Elle a l’air d’une poupée cassée, un jouet qu’on a jeté dans un coin quand on s’en est lassé. Elle porte un blouson de cuir et un pull à capuche, un vieux jeans et des baskets en toile. Ses mains jointes sur ses genoux, gantées de mitaines rayées noir et blanc, parfois se serrent une seconde. Puis se relâchent. Une vieille femme lui demande si ça va bien. Elle est assise de l’autre côté du bus. Elle hoche la tête, ne dit rien. Puis repose son front contre la vitre. Elle a cessé de pleurer. Appuyée sur le dossier de son siège, les épaules basses, elle ferme les yeux. On dirait qu’elle a épuisé toute l’énergie qui lui restait dans ces grosses larmes qui s’épongent en deux taches rouges sur ses pommettes. Le contraste entre la pâleur de son visage et ces reflets écarlates la fait ressembler à un reflet de personne vivant, à un fantôme égaré. Sa poitrine se soulève doucement au rythme de sa respiration. Elle a sûrement une histoire. Une de ces histoires qui brisent les gens et laissent de longs silences gênants quand on a fini de les raconter. Une histoire froide et brillante comme les larmes qu’elle a versées. Une histoire triste et lourde comme la pluie qui tombe sur le toit du bus. Une histoire qu’on n’écrit pas, qu’on ne chante pas. Une histoire qu’on laisse s’enfuir sous les roues du bus. Une histoire qu’elle a voulu faire disparaitre à travers les longues trainées brillantes de la ville. Mais tous les trajets de bus finissent par avoir une fin, et elle se lève pour descendre. Elle trébuche un peu au moment de descendre les marches. Dehors, la pluie qui tombe sur ses cheveux coule le long de ses joues en fins sillons luisants. Son jeans se marbre de taches foncées et elle reste là, les yeux grands ouverts sous l’averse. Je ne sais pas combien de temps elle essaiera de se laver ainsi de ses souvenirs. Je ne sais pas si elle pleure encore, là, debout au milieu du trottoir. Je ne sais pas si elle finira par pousser la porte blanche de la maison devant laquelle elle se tient. Je ne sais pas si le choix qu’elle fera ce soir-là sera le bon. Mais parfois, quand la pluie tombe le soir, je pense à elle. Je regarde les lumières de la ville, j’appuie ma tête contre la vitre du bus et je ferme les yeux.

J’aime à croire qu’elle est heureuse.

 

« Réalité », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Une fois de plus, les mots d’Emmanuel­ Macron lui sont revenus en boomerang.­ Mercredi, il dissertait au JT de 13 heures sur la tendance dans notre démocratie «à vouloir sabstraire de la réalité». Au lendemain de cette neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le chef de l’État devrait, au moins, avoir la lucidité de s’appliquer ses propres analyses. La «réa­lité», cest lui qui ne veut pas la voir. Et sûrement pas ces millions de Français, représentant une profonde volonté générale, descendus à nouveau dans la rue ce jeudi avec une détermination exemplaire. Face à un président qui ne peut qu’opposer déni, mépris et court-­circuitages démocratiques, la légitimité est définitivement de leur côté.

Le contraste est désormais saisissant. D’un côté, une unité syndicale sans faille à l’appui d’une opinion publique largement acquise. De l’autre, un Emmanuel Macron isolé et sans autre proposition que de souffler sur les braises en rêvant d’un pourrissement du mouvement. La journée d’hier, et le souci répété des leaders syndicaux de mener des actions non violentes, montre que personne, espérons-le, ne compte lui faire ce cadeau. Au bout d’un an de mandat à peine, le chef de l’État semble déjà en fin de règne. Incapable d’apaiser et de donner un cap clair à son mandat autre que celui d’un néolibéralisme rance, à courte vue, imposé à coups d’alliances politiques de circonstance.

En imaginant que la mobilisation sociale va s’éteindre comme par magie, la Macronie se voile la face. Derrière la contestation de la réforme des retraites, c’est bien l’incapacité du chef de l’État à défendre et à faire vivre l’intérêt général – seul à même de fédérer les Français – qui est pointée. À l’entreprise de déconstruction du collectif à laquelle s’astreint Emmanuel Macron depuis 2017, les manifestants opposent la force du commun. Il le sait. Sa tentative de discréditer le mouvement en le qualifiant de «foule» désincarnée et irrationnelle témoigne avant tout de ses craintes. Et d’une volonté inquiétante de «sabstraire de toute réalité».

 

jeudi 23 mars 2023

« Macron ou le déni », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Emmanuel Macron, élu par défaut et flanqué d’un gouvernement en faillite et en sursis, aurait pu faire profil bas. C’est du moins ce que l’on était en droit d’attendre d’un président de la République conscient de la crise profonde qui traverse la France. Une crise qu’il a lui-même provoquée et qu’il assume, droit dans ses bottes, comme si des millions de jeunes et de salariés n’étaient pas dans les rues depuis des mois, comme si une majorité de l’opinion publique ne lui intimait pas l’ordre de revenir sur une réforme inutile, illégitime, et injustifiable. Il a allumé la mèche, soufflé sur les braises et croit pouvoir condamner le feu qui embrase le pays. Les jacqueries ne sont jamais le fruit de «factieux» ni de «factions», pour reprendre l’ignoble expression du locataire de l’Élysée. Les dirigeants de l’intersyndicale, à qui il a opposé un bras d’honneur, n’ont cessé de le mettre en garde. Qui sème le mépris et la misère récolte la colère.

LE LOCATAIRE DE L’ÉLYSÉE DÉFINITIVEMENT HORS-SOL

Retenons deux choses de la prestation télévisée du chef de l’État dont les grévistes disaient qu’ils n’en attendaient rien, sauf le retrait de sa réforme honnie. Tout d’abord, le déni de réalité. «Si les Français étaient vraiment en colère, je naurais pas été réélu», a-t-il péroré. Balayer d’un revers de la main des millions de votes pour faire barrage à l’extrême droite et nier la puissance du rejet qu’il provoque, démontrent à quel point le locataire de l’Élysée est définitivement hors-sol. Eu égard à la fonction qu’il occupe, cette déconnexion est d’une extrême gravité. Tout aussi inquiétant: la violence de ses propos à lendroit des plus pauvres et des plus précaires, coupables, à ses yeux, des défaillances systémiques de l’économie et du monde du travail.

Le président n’est plus habilité à parler de la légitimité du peuple. La meilleure démonstration reste encore cette neuvième journée de mobilisation, à l’appel d’une intersyndicale unie, soudée comme jamais. La répression aveugle et disproportionnée qui s’abat sur les opposants à la réforme n’y change rien. Au contraire. Elle attise une juste révolte et conforte la détermination d’une majorité agissante face à un pouvoir inique.

 

« Au rendez-vous », l’éditorial de Laurent Mouloud dan l’Humanité.

  « Va à la niche ! Va à la niche ! On est chez nous ! »  Diffusées dans  Envoyé spécial , les images de cette sympathisante RN de Montarg...