jeudi 30 mars 2023

« Un État à bout de souffle », l’éditorial de Marie-José Sirach dans l’Humanité.



Quand la force publique ne sait que porter des coups, réprimer, éborgner, blesser; quand elle procède à des interpellations arbitraires, des gardes à vue à tour de bras dont celles de dizaines de lycéens mineurs ces derniers jours; quand lusage de la violence devient institutionnel, cest bien que l’État est incapable de répondre politiquement à un mouvement social majoritaire qui conteste la légitimité et le bien-fondé de sa réforme des retraites. Quand l’État est à bout de force politique, qu’il n’emporte plus l’adhésion de sa population, il ne lui reste que la force policière. Quand l’État, dans sa forme jupitérienne, n’a plus que la matraque pour dénigrer un mouvement populaire, c’est bien qu’il est à court d’arguments.

La puissance policière contre la ­puissance des idées, la multiplication des bataillons de police contre la multiplication des cortèges de manifestants, toute cette mise en scène guerrière de l’ordre républicain orchestrée par le ministre de l’Intérieur résonne alors comme un aveu de faiblesse politique. Les éborgnés, les blessés, les gardés à vue humiliés, ce sont des hommes et des femmes, en chair et en os. Ils sont la puissance populaire. Derrière leurs blessures, c’est la démocratie qu’on éborgne.

Depuis qu’il est élu, Emmanuel Macron maltraite les corps intermédiaires, la population, la jeunesse, tous incapables, selon lui, de comprendre les bienfaits de sa réforme. Tout le monde ne sort pas de Polytechnique ou de HEC, pauvres de nous… En méprisant, violentant le corps social de la sorte, ce sont les corps tout court qui sont maltraités. Si la démocratie trouve sa légitimité au Parlement, elle la trouve aussi dans le monde du travail, dans le ­dialogue, la négociation et dans la rue. Ainsi va notre République. Alors, quand le gouvernement ­choisit de passer en force, qu’il a ­recours à la force publique, abrité derrière son usage réputé légitime, incapable d’emporter l’adhésion, c’est bien qu’il y a quelque chose de pourri en Macronie.

 

 

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