Une note de Bercy publiée, dimanche, par Le Parisien, donne une vision très optimiste de l'état des finances locales. Diffusée juste avant le début du débat budgétaire au Parlement, les auteurs de la note nient clairement que les collectivités locales soient financièrement en difficulté.
Cela donne le ton des discussions à venir lors de
l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de programmation des
finances publiques (lire article ci-dessous). Une note « confidentielle »
– mais tout de même opportunément portée à la connaissance du Parisien et
de l’AFP – « ausculte les finances des communes, des départements
et des régions », détaille le quotidien dans son édition du 2 octobre.
Et le diagnostic « va à l’encontre des propos alarmistes des
associations d’élus locaux ».
« 500 communes » en difficulté ?
Rien de très nouveau sous le soleil, en réalité :
la note reprend des éléments bien connus du tous, à savoir qu’en 2021,
l’épargne des collectivités et leurs recettes ont progressé. Le solde du compte
des collectivités locales atteindrait « 60,7 milliards
d’euros » en août 2022, contre 53,8 milliards un an plus tôt.
C’est en particulier la dynamique des rentrées de TVA qui explique cette
progression – une partie des impôts économiques locaux ayant été supprimés et
remplacés par une part de la TVA nationale, notamment pour les départements et
les régions. Les rentrées de taxes foncières sont également en nette hausse.
Ces chiffres augurent-ils, comme la note citée par
Bercy le dit, « des perspectives favorables pour 2023 qui
permettraient de faire face pour la très grande majorité [des collectivités] au
contexte d’inflation » ? Rien n’est moins sûr. Et affirmer, comme
le font les auteurs de la note, que seules « 500 communes »
risquent de rencontrer prochainement des difficultés de trésorerie paraît assez
coupé de la réalité.
Le Parisien évoque également « un rapport du Trésor sur les perspectives
des finances publiques », qui devrait sortir incessamment, et qui
selon le quotidien « enfonce le clou » : « Les
collectivités locales seraient en excédent sur la période ». Ce qui
est un truisme, dans la mesure où, faut-il le rappeler, les collectivités n’ont
pas le droit d’être en déficit. D’après cette note, cependant, cet « excédent »
devrait fondre comme neige au soleil, passant de 4,4 milliards d’euros en 2022
à 1,5 milliard en 2023. Soit une diminution de la capacité d’autofinancement,
et donc des capacités d’investissement, qui n’a rien de réjouissant.
Rappelons que l’AMF, dans une réponse à un récent
rapport de la Cour des comptes, avait très clairement expliqué la différence
entre « excédents » et « santé
financière des collectivités ». « L’importance des
excédents n’est pas forcément révélatrice d’une ‘’situation très favorable’’
mais plutôt d’une situation financière équilibrée. Ainsi par exemple, pendant
toute la période de baisse des dotations, le bloc communal a dégagé des
excédents et le niveau d’épargne est resté élevé, à environ 15 % des recettes
de fonctionnement. Toutefois, cette période d’excédents s’est aussi soldée par
l’effondrement inédit des investissements (- 16 milliards d’euros pour le bloc
communal) ».
« Intox »
Il faut signaler que cette note prend en compte
l’ensemble des collectivités (régions, départements et communes) sans faire de
différence entre elles – les communes, on l’a dit, n’ont pas bénéficié
de « l’effet TVA » autant que les régions. Et elle ne tient pas non
plus compte de la situation différente des collectivités de taille différente
au sein de chaque strate.
Mais surtout, ces chiffres qui portent sur l’année
2021 et le premier semestre 2022 ne tiennent pas compte de l’impact de
l’inflation et, en particulier, de la hausse du prix de l’énergie. Ce qui fait
dire à David Lisnard, président de l’AMF, interrogé par Le Parisien,
que ces chiffres sont « de l’intox », en rappelant
que « les collectivités ont fait de l’épargne de précaution ».
Quant à la présidente de Régions de France, Carole Delga, elle ne nie pas
l’impact positif de la « dynamique de la TVA », qui
devrait rapporter « 750 millions d’euros de plus »
aux régions l’an prochain, mais ajoute que ces recettes supplémentaires seront
dévorées par la hausse des prix de l’énergie : « Dans le même
temps, les régions vont dépenser un milliard d’euros de plus (pour le)
chauffage des lycées, le transport scolaire, le coût du ferroviaire, des
bus… ».
La note ne prend pas davantage en compte le coût, pour
les collectivités, de la hausse du point d’indice et de la revalorisation des
carrières des catégories B et C.
« Réflexe pavlovien »
Il semble bien que la divulgation de cette note
s’inscrit dans le plan de communication de Bercy, à la veille du débat
budgétaire, consistant à prétendre – comme il le fait depuis la crise du
covid-19 – que les collectivités pleurent la bouche pleine. Témoin,
ce « communicant du gouvernement » qui explique
au Parisien que les collectivités locales « protestent
par réflexe pavlovien ». Des propos qui seront certainement appréciés
par tous les maires qui, en ce moment même, face à l’inflation et à la
multiplication parfois par cinq ou six de leur facture d’énergie, se demandent
désespérément comment ils vont boucler leur budget à l’équilibre sans augmenter
les impôts, diminuer les investissements ou le niveau de service public.
Par « réflexe pavlovien », sans doute…
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