Le quinquennat d’Emmanuel Macron a été marqué par des coupes budgétaires,
par la baisse de la construction et par une aide financière visant à éradiquer
les passoires thermiques jugée insuffisante par l’institution d’aide aux
mal-logés.
Alors qu’Emmanuel Macron avait accordé peu de place au logement lors de sa campagne à la précédente élection présidentielle en 2017, quel est son bilan en la matière? À moins de trois mois de l’élection présidentielle, la Fondation Abbé Pierre publie son 27e rapport annuel sur l’État du mal-logement en France, rendu public mercredi 2 février.
La Fondation
alerte tout particulièrement sur la baisse de la construction: «Le secteur
est passé sous la barre des 400.000 logements produits annuellement pour ces
deux années», selon le rapport. Plutôt qu’un «choc de l’offre»
appelé de ses vœux par le président de la République élu en 2017, elle enregistre
une baisse du nombre de nouveaux logements. Une baisse qui concerne en premier
lieu les logements sociaux: 80.000 attributions de moins dans le parc HLM ont été
comptabilisées en 2020. 87.000 HLM ont été agréés en 2020, contre près de
125.000 en 2017. L’année 2021 compte environ 95.000 logements sociaux financés.
La baisse
des APL,
ou aides personnelles au logement, de 5 euros par mois et par ménage, «une
coupe aveugle» selon le rapport, instituée au début du mandat d’Emmanuel
Macron, est elle aussi pointée du doigt par la Fondation: «depuis 1984,
l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible: les aides au
logement sont en effet passées de 1,82 % du PIB en 2017 à 1,63 % en 2020»,
comptabilise la Fondation Abbé Pierre.
MaPrimeRénov’ jugée insuffisante
Du côté de
l’Élysée, on rétorque que «sur les APL, il ne faut pas perdre de vue que
l’essentiel de la réforme, ce n’est pas les 5 euros, même si on voit bien que
c’est quand même le marqueur qui remonte souvent. On ne va pas le nier. Mais le
fond de la réforme des APL, c’est la prise en compte des ressources en temps
réel, une évolution pour les ménages qui voient leurs ressources diminuer et
qui peuvent bénéficier assez rapidement d’une augmentation des APL.» Le
calcul de l’APL prend désormais en compte les ressources des douze derniers
mois des allocataires et non les revenus perçus deux ans plus tôt et son
montant est recalculé tous les trois mois et non plus une fois par an.
Quant à la
volonté affichée par le gouvernement d’interdire progressivement toutes les
passoires thermiques (les logements classés G en 2025, ceux classés F en 2028
et les E en 2034 ), elle est saluée par le rapport. Mais l’aide annoncée par le
gouvernement pour éradiquer ces passoires thermiques, MaPrimeRénov’, qui a
remplacé le crédit d’impôt, est jugée insuffisante pour mener à des «travaux
ambitieux et donc plus coûteux. Loin du 10 % de reste à charge affiché par le
gouvernement, c’est en moyenne 39 % du montant des travaux qu’il reste à payer
après mobilisation de toutes les aides pour les propriétaires «très modestes»
et 56 % pour les ménages «modestes», affirme la Fondation Abbé Pierre en
s’appuyant sur le rapport d’évaluation du
plan France Relance de France Stratégie d’octobre dernier.
Des chiffres
qui étonnent l’Élysée: « On a une forte sollicitation de ces ménages
éligibles très modestes et modestes, donc il ne semble pas que le reste à
charge soit un frein si majeur.» L’Élysée ajoute que «Ma Prime Renov est
un outil qui est beaucoup plus ciblé socialement que ceux qui existaient
précédemment. Avant la création de Ma Prime Renov, on était sur un crédit
d’impôt qui était plutôt utilisé par des ménages payant beaucoup d’impôts. Là,
on a complètement inversé la logique puisque la grande majorité des ménages qui
bénéficient de Ma Prime Renov sont des ménages très modestes et modestes.»
La Fondation observe une massification des petits gestes de rénovation comme le
changement d’une chaudière ou de fenêtres ou encore l’isolation des combles, au
détriment d’une rénovation globale.
Un outil pour lutter contre l’habitat indigne
Face à
l’habitat indigne, la Fondation Abbé Pierre propose notamment aux candidats à
la présidentielle la création d’une agence nationale des travaux d’office qui
permettrait «d’apporter un soutien aux collectivités et avoir un effet
incitatif fort auprès des propriétaires récalcitrants.» Présentée comme un
«bras armé» de l’État et des communes, elle serait un outil pour lutter
contre l’habitat indigne. Les collectivités rencontrent souvent des difficultés
à procéder au recouvrement auprès des propriétaires défectueux des sommes
engagées par l’État. Cette agence pourrait engager le recouvrement de ces
sommes avancées auprès des propriétaires défaillants.
Autre solution
mise en avant par la Fondation de l’Abbé Pierre, à quelques mois de la
prochaine élection présidentielle: une Garantie universelle des loyers (GUL),
qui pourrait être obtenue par étapes en améliorant la garantie Visale financée
par Action Logement. Visale est une assurance gratuite pour les bailleurs
privés qui les protège des impayés ou des dégradations s’ils louent leur bien à
des ménages en situation de précarité. L’objectif de la Fondation serait de
l’élargir à tous les locataires, envisageant même, à terme, de «supprimer le
droit des bailleurs à contracter une assurance privée ou d’exiger une caution
parentale.» Cette garantie publique permettrait à tout le monde d’avoir un
garant, selon la Fondation.
Généraliser le Logement d’abord
La Fondation
Abbé Pierre propose également d’étendre l’encadrement des loyers aux 28
agglomérations tendues et de généraliser le Logement d’abord, un dispositif qui
aurait fait ses preuves en Finlande, selon la Fondation, pour lutter contre le
sans-abrisme. Ce dispositif lancé en septembre 2017 par Emmanuel Macron permet
de passer directement de la rue à un logement pérenne et non de la rue à un
hébergement d’urgence temporaire et a un bénéfice réel, reconnaît la Fondation
Abbé Pierre. Elle estime à 300 000 le nombre de personnes sans domicile.
L’Élysée assure d’ailleurs qu’il y a eu un effort de 40 000 attributions de
plus aux ménages sans domicile pendant ce quinquennat, comparé au quinquennat
précédent pour l’accès au logement social (84 000 entre 2012 et 2016 versus
près de 126 000 entre 2017 et 2021). L’ensemble des propositions de la
Fondation Abbé Pierre est chiffré à 10 milliards d’euros par an d’argent public
supplémentaire.
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