mercredi 3 décembre 2025

« Suicides, pesticides, mondialisation : les racines du mal agricole », l’éditorial de Marion d’Allard.



C’est une hécatombe silencieuse, une série de drames humains qui endeuillent les campagnes, dans l’ombre des radars médiatiques. Les chiffres sont effroyables. Selon la Mutuelle sociale agricole (MSA), le risque de suicide dans le monde paysan est supérieur de 46 % à celui du reste de la population active et de 77 % pour les seuls chefs d’exploitation. Le mal-être est profond.

Il plonge ses racines dans l’angoisse d’une profession en perte de repères, rongée par les inégalités, les injonctions contradictoires, les impasses financières. Notre modèle agricole est à bout de souffle, broyé par le productivisme et la mondialisation déraisonnée. Favorisée par toutes les politiques publiques, de la loi Duplomb aux directives Omnibus de l’Union européenne, la course au gigantisme a fait fleurir des exploitations démesurées, en monoculture destinée à l’export, voraces en traitements phytosanitaires qui tuent les sols et ceux qui les cultivent.

En 2024, le Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides a vu les demandes exploser, parmi lesquelles les travailleurs agricoles sont surreprésentés. Certes, renier les faibles avancées environnementales sous pression de la FNSEA et consorts permet à très court terme d’éteindre la colère des gros exploitants.

Mais, à plus longue échéance, la stratégie est désastreuse, rendue plus aberrante encore lorsqu’elle se double de l’élaboration de traités de libre-échange mortifères. Aux antipodes des grands discours sur la souveraineté alimentaire, les politiques agricoles à l’œuvre éloignent le monde paysan des impératifs de la transition écologique.

Mais pas seulement. Elles omettent surtout sciemment de répondre à la revendication cardinale des agriculteurs : pouvoir vivre dignement de leur travail. La précarité ronge les campagnes, sans que jamais les mesurettes promises dans les deux moutures de la loi Égalim n’aient porté le moindre fruit. Et, lorsque le sentiment de déclassement nourrit une colère légitime, l’extrême droite et ses relais syndicaux y voient un réservoir de voix. L’instrumentalisation est grotesque, mais le risque est manifeste.

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