vendredi 19 décembre 2025

« Shein : quand la consommation consume », l’éditorial de Cédric Clérin.



Le gouvernement français aurait-il soudain découvert les ravages du capitalisme dérégulé ? En assignant Shein en justice et en demandant sa suspension pour trois mois, l’exécutif donne l’impression d’agir contre un fléau qui, jusqu’ici, ne semblait pourtant pas empêcher de dormir ni à Matignon ni à l’Élysée. Face à Shein, symbole d’une fast-fashion mondialisée, ultra-polluante et destructrice d’emplois, le gouvernement feint l’indignation et tire à côté de la cible.

Derrière les poupées pour pédocriminels et autres objets prohibés, il y a ce que Serge Papin lui-même nomme « le Far West numérique ». Bienvenue dans la mondialisation, monsieur le ministre. Il est tout de même stupéfiant de voir les mêmes responsables politiques qui hurlent tous les jours contre toute remise en cause de la libre circulation des marchandises et dénoncent sans cesse le prétendu « carcan des normes qui étouffent » s’indigner aujourd’hui du comportement de multinationales qui profitent de l’absence de règles.

Les plateformes de e-commerce américaines, chinoises ou autres sont des machines à détruire, à grande vitesse, le tissu de PME qu’elles copient et concurrencent. Elles cassent les prix, imposent leurs référentiels aux consommateurs et verrouillent les usages. Dans le même temps, elles déploient toutes les stratégies possibles pour capter, enfermer et façonner le consommateur, construisant un imaginaire consumériste d’une ampleur inédite.

Le problème n’est pas Shein en tant que tel, mais un modèle économique encouragé, organisé, par des choix politiques assumés : accords de libre-échange, suppression des barrières douanières, affaiblissement des contrôles, complaisance envers les géants du numérique et du commerce en ligne. Pointer un acteur isolé permet de donner l’illusion de l’action, sans jamais remettre en cause la logique globale. Il en va du commence en ligne comme de l’industrie. La France, comme l’Union européenne attaquée de toutes parts, aurait tout à gagner à devenir moteurs d’un développement commun et solidaire. La première feint d’agir, la seconde roule à contresens.

 

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