Le gouvernement
français aurait-il soudain découvert les ravages du capitalisme dérégulé ?
En assignant Shein en
justice et en demandant sa suspension pour
trois mois, l’exécutif donne l’impression d’agir contre un fléau qui,
jusqu’ici, ne semblait pourtant pas empêcher de dormir ni à Matignon ni à
l’Élysée. Face à Shein, symbole d’une fast-fashion mondialisée, ultra-polluante
et destructrice d’emplois, le gouvernement feint l’indignation et tire à côté
de la cible.
Derrière les
poupées pour pédocriminels et autres objets prohibés, il y a ce que Serge Papin
lui-même nomme « le Far West numérique ». Bienvenue dans la
mondialisation, monsieur le ministre. Il est tout de même stupéfiant de voir
les mêmes responsables politiques qui hurlent tous les jours contre toute
remise en cause de la libre circulation des marchandises et dénoncent sans
cesse le prétendu « carcan des normes qui étouffent »
s’indigner aujourd’hui du comportement de multinationales qui profitent de
l’absence de règles.
Les plateformes
de e-commerce américaines, chinoises ou autres sont des machines à détruire, à
grande vitesse, le tissu de PME qu’elles copient et concurrencent. Elles
cassent les prix, imposent leurs référentiels aux consommateurs et verrouillent
les usages. Dans le même temps, elles déploient toutes les stratégies possibles
pour capter, enfermer et façonner le consommateur, construisant un imaginaire
consumériste d’une ampleur inédite.
Le problème
n’est pas Shein en tant que tel, mais un modèle économique encouragé, organisé,
par des choix politiques assumés : accords de libre-échange, suppression
des barrières douanières, affaiblissement des contrôles, complaisance envers
les géants du numérique et du commerce en ligne. Pointer un acteur isolé permet
de donner l’illusion de l’action, sans jamais remettre en cause la logique
globale. Il en va du commence en ligne comme de l’industrie. La France,
comme l’Union européenne attaquée de toutes parts, aurait tout à gagner à
devenir moteurs d’un développement commun et solidaire. La première feint
d’agir, la seconde roule à contresens.

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