mardi 9 décembre 2025

« L’inégalité n’est pas une loi de la nature mais le fruit de choix politiques », l’éditorial de Rosa Moussaoui.



Marx comparaît le capital à du « travail mort » qui « ne s’anime qu’en suçant – tel un vampire – du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage ». La métaphore n’a rien perdu de sa pertinence : le capital s’est rarement montré si vorace et pansu.

Au point que, selon les données compilées dans le dernier rapport du World Inequality Lab, les 10 % des personnes les plus riches de la planète gagnent plus que les 90 % restants, tandis que la moitié la plus pauvre de la population mondiale perçoit moins de 10 % du revenu mondial total. Voilà pour la concentration des revenus.

Pour le patrimoine, la tendance est la même : les 10 % les plus riches siphonnent les trois quarts de la richesse mondiale, la moitié la plus pauvre n’en détenant que 2 %. Pire : les 0,001 % les plus riches, soit moins de 60 000 multimillionnaires, contrôlent aujourd’hui trois fois plus de richesses que la moitié de l’humanité. Au sommet de cette caste d’ultra-privilégiés, 3 028 milliardaires cumulent à eux seuls un montant record de 16 100 milliards de dollars, soit 2 000 milliards de dollars de plus qu’il y a un an.

Cette prédation a connu, ces dernières décennies, une accélération ahurissante. Depuis les années 1990, la fortune des milliardaires croît dans des proportions exponentielles. Conséquence logique du brutal déclin partout dans le monde, depuis le début des années 1980, de la part de la valeur ajoutée distribuée aux salariés. 

Les dividendes versés aux actionnaires ont, eux, explosé, au détriment de l’investissement et de l’emploi. Résultat : une poignée d’individus accapare un pouvoir économique et financier sans précédent, tandis que des milliards d’êtres humains restent privés de réponses décentes à leurs besoins les plus élémentaires.

Une telle distorsion est insoutenable. Car cet ordre n’est pas seulement injuste : il est inefficace et dangereux. Il suscite le désordre, mine les démocraties, fracture les sociétés, nourrit les crises et les conflits. Ses gardiens le donnent pour inéluctable. C’est une imposture grossière. L’inégalité n’est pas une loi de la nature : elle est le fruit de choix politiques délibérés, qu’il est temps de renverser. Pour remettre à l’endroit ce monde qui marche sur la tête.

 

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