De porte en porte,
de village en village, chaque jour il marchait. Messager
de l’espoir ou porteur de regrets. La
lettre parfumée, au milieu du courrier embaumait
le trajet, rendait son pas léger. On l’attendait derrière les volets. « Mais
reste donc un peu, je te fais un café. Il ne
fait pas chaud dehors, il va te réchauffer ». De
foyer en foyer, il se sentait aimé. Pour
ces gens souvent isolés, il restait le seul lien. Il
marchait en rêvant parmi les durs chemins. À lui, les gens confiaient leurs
joies et leurs chagrins. Et parfois leurs espoirs en de beaux lendemains. Ils
racontaient aussi les soucis de la vie : La
mort, la maladie, l’âme qui se replie… De
maison en maison, il glanait des secrets, gardien assermenté des peines et des
regrets. Certains jours une lettre ralentissait son pas… Elle alourdit son sac comme sonne le
glas… Il ne voit pas alors la rosée du matin, et le
chant de l’oiseau ne l’émerveille point. Il ne
savoure pas les champs, les chemins à l’horizon. On le
trouve distrait de maison en maison…Fichu métier parfois ! Il râle à
chaque pas. « C’est encore un Petit qui ne reviendra pas, un nom
à rajouter sur le grand monument, pour ne
pas oublier la guerre et ses tourments. » Il la garde en dernier, mais il
faut la donner. Quand il la sort enfin, il n’ose pas parler. À son
liseré noir, la mère avait compris : Celui
qu’elle attendait est désormais sans vie. Notre
Facteur savait respecter les chagrins, et tant de mots non-dits dans sa poignée
de main ! Messager de l’espoir, messager du destin, il
aimait son métier, marchait sur les chemins. Et dans
chaque saison, saisissait le plus beau, de l’odeur du jasmin à la chanson de
l’eau. Aujourd’hui, on ne voit plus le facteur
d’autrefois. Rentabilité ne
rime pas avec humanité !
dimanche 19 janvier 2025
LE FACTEUR D’AUTREFOIS
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