jeudi 19 septembre 2024

« Miroir », l’éditorial de Marion d’Allard dans l’Humanité.



Certes, il y a l’épaisseur du dossier, l’infinie gravité des faits, le nombre des accusés, l’insoutenable chronique du calvaire de Gisèle Pelicot. Certes, il y a l’effroi, la sidération parfois, face au récit des ignominies subies. Certes, il y a aussi – et surtout – l’indispensable exigence de justice. Mais il y a plus encore. La cour criminelle du Vaucluse est devenue le miroir où se reflète une société malade.

L’affaire de Mazan est notre affaire à toutes, à tous, et le courage de Gisèle Pelicot, un doigt accusateur pointé sur le patriarcat, la culture du viol, la réification du corps des femmes, la soumission chimique. Non, les violences sexuelles ne sont pas un fait divers. Elles ne doivent jamais être réduites à cela.

En refusant un huis clos auquel elle avait droit, Gisèle Pelicot a fait du procès de son bourreau un procès pour l’histoire. De ceux capables de faire bouger les lignes et les consciences. La couverture médiatique – y compris internationale – donne à cette affaire sa dimension universelle. « À toutes les victimes, je veux dire aujourd’hui, regardez autour de vous, vous n’êtes pas seules ! » a déclaré Gisèle Pelicot, avec cette dignité qui force l’admiration depuis le premier jour d’audience.

Elle voulait que son histoire permette à la honte de « changer de camp ». Elle n’était pas la seule. En organisant partout en France, samedi dernier, des manifestations de soutien, en ne laissant pas Gisèle Pelicot demeurer un énième nom sur une liste trop longue des victimes de violences sexuelles, les organisations féministes ne s’y sont pas trompées.

Ce procès-fleuve est symbolique à plus d’un titre. Il interroge ce que nous sommes, individuellement, collectivement. Et en décortiquant le passé souvent chaotique de certains accusés, où l’omerta le dispute aux sévices, il révèle en sous-texte l’ampleur des conséquences des violences faites aux enfants. La pédocriminalité et les agressions intrafamiliales broient des vies et détruisent des destins. La protection de l’enfance, au même titre que la lutte contre les violences faites aux femmes, doit être une priorité politique, éducative, judiciaire. Le reste n’est que commentaire.

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