mardi 9 juillet 2024

« Soubresauts », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Howard Zinn avait raison : « L’histoire est pleine de surprises et elles ne sont pas toujours mauvaises. » Savourons celle-ci, surgie au bord du précipice : elle nous rend le souffle, au moins pour un temps. Elle nous dispense aussi quelques leçons. Le réflexe électoral du barrage républicain n’explique pas seul l’endiguement provisoire de l’extrême droite au terme d’un scrutin qui a porté le Nouveau Front populaire en tête.

Ce résultat inespéré est aussi le fruit de l’extraordinaire mobilisation sociale qui a permis de déjouer les scénarios les plus sombres. Tout un peuple, toute une jeunesse s’est levée pour rappeler que ce sont les principes de justice, de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont la trame de la France. Et que le racisme, la division chers aux semeurs de haine du Rassemblement national ne la vouent qu’à la désagrégation, à la violence, au malheur.

Cette digue s’est échafaudée dans l’urgence. Contre l’égout des médias de Bolloré, décidés à la faire tomber. Contre les apôtres de l’austérité qui ont donné à l’extrême droite leur absolution pour mieux recycler leurs dogmes aux effets sociaux désastreux. Contre les élites économiques prêtes à brader le pays aux néofascistes pour sauver leurs privilèges. Mais cette digue est fragile.

Et déjà les manœuvres dilatoires, les intrigues florentines et les combinaisons d’antichambre se déploient pour contourner le verdict des urnes. Ultimes soubresauts d’une Ve République à l’état de putréfaction, qui laisse le sort d’un peuple aux mains d’un seul. Il est vraiment temps de tourner la page de cette Constitution léguée par une guerre coloniale qui perpétue une insupportable monarchie républicaine. C’est la condition première d’une renaissance démocratique.

Les portes du pouvoir se ferment cette fois in extremis au Rassemblement national. Mais le péril n’est pas derrière nous. La seule façon de le conjurer : organiser la contre-offensive dans la guerre idéologique qu’il livre avec l’appui de milliardaires ; bâtir une gauche solidaire, ouverte, fraternelle, aux ancrages solides, décidée à regagner les cœurs bourg par bourg, tour par tour, place par place. Une gauche capable de conduire la révolution sociale, climatique et démocratique qui, seule, fera durablement refluer la peur, la haine, le ressentiment.

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