Howard Zinn avait raison : « L’histoire est pleine de
surprises et elles ne sont pas toujours mauvaises. » Savourons
celle-ci, surgie au bord du précipice : elle nous rend le souffle, au moins
pour un temps. Elle nous dispense aussi quelques leçons. Le réflexe électoral
du barrage républicain n’explique pas seul l’endiguement provisoire de
l’extrême droite au terme d’un scrutin qui a porté le Nouveau Front populaire
en tête.
Ce résultat inespéré est aussi le fruit de
l’extraordinaire mobilisation sociale qui a permis de déjouer les scénarios les
plus sombres. Tout un peuple, toute une jeunesse s’est levée pour rappeler que
ce sont les principes de justice, de liberté, d’égalité et de fraternité qui
sont la trame de la France. Et que le racisme, la division chers aux semeurs de
haine du Rassemblement national ne la vouent qu’à la désagrégation, à la
violence, au malheur.
Cette digue s’est échafaudée dans l’urgence. Contre l’égout des médias de Bolloré, décidés à la faire tomber. Contre les
apôtres de l’austérité qui ont donné à l’extrême droite leur absolution pour
mieux recycler leurs dogmes aux effets sociaux désastreux. Contre les élites
économiques prêtes à brader le pays aux néofascistes pour sauver leurs
privilèges. Mais cette digue est fragile.
Et déjà les manœuvres dilatoires, les intrigues florentines et les
combinaisons d’antichambre se déploient pour contourner le verdict des urnes.
Ultimes soubresauts d’une Ve République à l’état de
putréfaction, qui laisse le sort d’un peuple aux mains d’un seul. Il est
vraiment temps de tourner la page de cette Constitution léguée par une guerre
coloniale qui perpétue une insupportable monarchie républicaine. C’est la
condition première d’une renaissance démocratique.
Les portes du pouvoir se ferment cette fois in extremis au Rassemblement
national. Mais le péril n’est pas derrière nous. La seule façon de le
conjurer : organiser la contre-offensive dans la guerre idéologique qu’il
livre avec l’appui de milliardaires ; bâtir une gauche solidaire, ouverte,
fraternelle, aux ancrages solides, décidée à regagner les cœurs bourg par bourg,
tour par tour, place par place. Une gauche capable de conduire la révolution
sociale, climatique et démocratique qui, seule, fera durablement refluer la
peur, la haine, le ressentiment.
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