Saisissant
contraste. Ce 13 février 1984, François-Henri de Virieu marche sur des
œufs. « Cette invitation ne fait pas plaisir à tout le monde. »
Sur le plateau d’Antenne 2, l’ambiance est glaciale. « Le Parti
communiste la trouve indécente », poursuit le présentateur de l’Heure
de vérité. Face à lui, Jean-Marie Le Pen s’exprime pour la
première fois dans cette émission.
Le service
public vient d’ouvrir la boîte de Pandore. Dédiabolisation, banalisation,
normalisation, peopolisation, les médias dominants ont depuis gravi marche par
marche l’escalier de la compromission. L’extrême droite a désormais son
strapontin à la table des matinales, des émissions politiques et de
divertissement.
La digue est
rompue, après quatre décennies d’un pas de deux nauséabond entre les grands
médias et l’extrême droite. Entre une poignée de milliardaires – Bolloré en
tête – qui ont patiemment bâti des empires, et celle de ceux dont le projet
vise à servir leurs intérêts.
En 1984,
François-Henri de Virieu, regardant fixement son invité, lâchait sans
ciller : « Monsieur Le Pen, vous faites peur. »
Aujourd’hui, 53 % du temps d’antenne politique du vaisseau amiral de
CNews, TPMP, sont occupés par les partisans de Le Pen et
Zemmour. Jordan Bardella partage ses petits secrets de cuisine dans les
colonnes de Paris Match.
L’extrême droite, réactionnaire et xénophobe, est et restera un
poison pour la République. Son immixtion médiatique n’y changera rien. Lui
offrir une tribune permanente nourrit le terreau sur lequel ses idées
prospèrent. Du fait divers à la politique internationale, le RN capitalise sur
une actualité anxiogène. La surexposition de sa parole libère celle de ses
sympathisants et décomplexe ses nervis.
Pis, alors que le parti de Marine le Pen caracole en tête des
sondages, Gabriel Attal vient de parachever l’entreprise de dédiabolisation. « Je
considère que l’arc républicain, c’est l’Hémicycle »,
déclarait récemment le premier ministre, en rupture avec sa prédécesseure. Une
stratégie dangereuse à l’heure où il serait, pourtant, impératif de réériger la
digue.
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