Il fut le « monsieur rare, prince de quelque
chose » de Mallarmé. Il se produisit dans les salons mondains de Londres
et de Paris en habit colleté haut, mais sans jamais porter de cravate, prince
calme et glorieux de l’élégance. Il arrivait en retard dans les dîners les plus
sélects où, tout à coup, retentissait sa voix sonore et rauque. « C’est
WHISTLER », disait-on tranquillement. Petit, la chevelure noire, une mèche
blanche au milieu du front, il faisait bizarre, mystérieusement dandy,
polémiste, paré d’un monocle à ruban de moire et un peu « ancien
régime » au milieu des impressionnistes. Rien qu’à prononcer son nom
« WHISTLER », on croirait voir s’ouvrir et se fermer les deux ailes
d’un papillon. Avec cela, bruyant, causeur, aimant le paradoxe, en procès avec
Ruskin, brouillé avec Carlyle et Oscar Wilde, bref un personnage
étonnant.
Ce que WHISTLER avait d’impressionniste ? Le don
de peindre parfois des évocations ou des rêveries comme son « Vieux Pont
de BATTERSEA » qui, en bleu et or, dans la brume du soir, se dresse
fluide, fantastique, « spleenétique » sur les eaux de la Tamise. Sa
vie ? Les aventures d’un fils d’ingénieur civil qui, après avoir passé par
West Point, travaille ainsi que Monet, Bazille, Renoir et Sisley dans l’atelier
de GLEYRE. Il se lie d’amitié avec Fantin-Latour qui l’a peint,
monoclé et redingoté, comme participant à l’hommage à Delacroix.
Et ce furent les symphonies en blanc de femmes en
longues robes, des navettes entre Londres et Paris, l’admiration de Baudelaire
pour ses eaux – fortes. Sa « femme en blanc », un concerto de
blancheurs est une œuvre de jeunesse. Peinte en 1862, elle fut exposée l’année
suivante au salon des Refusés où, avec « le Déjeuner sur l’herbe » de
Manet, elle fut une révélation. WHISTLER, avant Mary CASSAT, rompt nettement
avec ses devanciers dans l’école américaine par l’originalité d’un art qu’il concevait
« comme une divinité d’essence délicate toute en retrait ». Devant la
solennité de ces « arrangements » en blanc, Degas disait avec
malice : « Elle pose devant l’infini et l’éternité ». C’est
aussi la rencontre à Londres de Monet et de Pissarro pendant la guerre
franco-allemande de 70, les vues de la Tamise, Venise, la fameuse conférence,
le « Ten O’Clock » que traduisit Mallarmé et dont le poète fit
lecture dans le salon de Berthe Morisot. WHISTLER ne se plaisait qu’à Londres.
Il eut une tendresse pour ces femmes à la chair de fruit, coiffées de cheveux
plus ambrés que ceux des Vénitiennes et des Sévillannes. La marmaille des rues,
si drôlement costumée d’étoffes aux tons crus, éclatant dans la brume humide
qui les exalte. Revenu à Paris durant ses dernières années. Il vint loger avec
sa femme rue du Bac, dans un pavillon dont les fenêtres donnaient sur les
jardins des couvents. À la fin, WHISTLER, se détacha de sa vie parisienne.
Malade, il vint mourir à Londres à soixante-neuf ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire