vendredi 2 février 2024

« Fuite en avant », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Ces temps-ci, pour démontrer sa solidarité avec les agriculteurs, il est bon de se livrer au « lynchage d’écolo-gauchistes ». Entendez par là tous ceux qui critiquent le modèle d’agribusiness. Comme souvent, le premier de la classe dans ce type d’exercice est Gabriel Attal. Que ce soit devant son pupitre en bottes de paille ou au perchoir, le premier ministre s’est fait une spécialité de dénoncer ceux qui, selon lui, expliquent que « nos agriculteurs sont des ennemis de l’environnement ».

Sauf que, les mêmes qui accusent les défenseurs de l’environnement d’être les ennemis des paysans sont ceux qui, depuis des décennies, adoptent des accords de libre-échange qui permettent l’importation en France de produits qui plombent les productions locales. Pas parce qu’ils sont meilleurs, mais parce qu’ils sont moins chers à produire du fait de normes beaucoup plus laxistes, et permettent l’exportation subventionnée de ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin.

Ce qui prouve, au passage, que le problème de « souveraineté alimentaire » est un tantinet plus complexe que ce que l’on tente de nous faire croire. Une quarantaine de ces traités de libre-échange ouvrant la voie à des importations agricoles et alimentaires à bas prix sont aujourd’hui actifs.

Ce sont encore les mêmes pourfendeurs de « l’écologie punitive » qui mettent en œuvre les dérégulations successives qui entraînent la baisse des prix agricoles dans le cadre du « marché libre » et qui exhortent à l’augmentation de la production et à l’intensification du travail.

Les véritables ennemis de nos paysans avancent main dans la main avec Gabriel Attal et Emmanuel Macron. Ce sont eux qui poussent à faire sauter « les normes ». Pas pour que les paysans gagnent mieux leur vie, mais pour garantir les marges des gros et des géants de l’agrobusiness, tout en faisant peser sur les agriculteurs le refus d’augmenter les salaires des classes populaires.

Ce n’est pas une fin de la crise qui s’annonce. C’est une fuite en avant irresponsable dans ce système qui paupérise la paysannerie, compresse les salaires des travailleurs, étouffe la biodiversité, aggrave la malnutrition et dégrade la santé. Pas sûr que les paysans l’acceptent.

 

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