« Dominique de Villepin dénonce la
domination de la finance juive sur les sociétés occidentales. » Voilà comment BFMTV a lancé le
procès en antisémitisme de l’ancien premier ministre, avant de rétropédaler. Il
faut dire qu’il n’avait jamais prononcé les mots « domination de
la finance juive ».
En quelques semaines, l’accusation d’antisémitisme a été utilisée contre
ceux qui ne condamnaient pas assez vigoureusement le Hamas, ceux qui
soutenaient les Palestiniens, ceux qui appelaient à un cessez-le-feu, ceux qui
dénonçaient la politique de Netanyahou et, enfin, ceux qui refusent
l’inconditionnalité du soutien à cette politique. Les propos de Dominique de
Villepin, pointant la « domination financière sur les médias et
sur le monde de l’art, de la musique » aux États-Unis qui « pèse
lourd » sur les artistes et les empêche de « dire ce
qu’ils pensent », ont permis à BFMTV d’aller un peu plus loin. Le
raccourci opéré par la chaîne vise à plonger désormais dans le bain de
l’antisémitisme toute critique de la finance et du pouvoir de l’argent.
Plus quelque chose nous semble familier, plus nous avons tendance à le
croire. C’est l’« effet de vérité illusoire ». Les
tenants de cette méthode ont franchi un cap le 20 janvier 2017, lors de
l’investiture de Donald Trump. Celui-ci avait alors prétendu que l’affluence y
était plus nombreuse qu’à celle de Barack Obama. Mise devant l’évidence de la
fausseté de cette affirmation, la Maison-Blanche avait assuré que le président
ne mentait pas, mais qu’il énonçait « des faits alternatifs ».
C’était grotesque, mais cela a servi d’exemple.
Raconter n’importe quoi – que Dominique de Villepin est antisémite mais que
l’extrême droite a sa place à une manifestation contre l’antisémitisme, par
exemple – est devenu la norme, surtout lorsque l’on a les moyens de saturer le
débat public. Pour contrer ces « faits alternatifs » qui sont
devenus des armes idéologiques d’une droite raciste, climatosceptique,
antiféministe, antisociale et toujours antisémite, il importe de rester
scrupuleux sur les faits. Après tout, étymologiquement, un scrupule, scrupulus
en latin, est un petit caillou pointu. Un scrupule dans la sandale du soldat
romain pouvait le faire boiter jusqu’à gêner la marche de la légion tout
entière, et la conduire à la défaite.
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