vendredi 3 novembre 2023

À propos de l’extrême droite !



Silencieux sur les drames au Proche-Orient le Rassemblement national poursuit sa stratégie. « On a tout essayé, alors pourquoi pas le RN ? » Cet argument est souvent relayé. Comme si, les idées de l’extrême droite étaient frappées du sceau de la banalité. Plus de quarante ans après sa première percée électorale, le parti d’extrême droite cofondé par Jean-Marie Le Pen ne saurait prétendre à une quelconque virginité. L’essayer  c’est se fourvoyer. Dans les quelques villes qu’il dirige, c’est un endettement record, la bétonnisation, le favoritisme, une chasse aux « pauvres » permanente. Le bilan du RN au parlement européen, où siège Bardella est éclairant. Ses 18 députés révèlent leur véritable nature. Pas une voix pour les textes visant à étendre les droits sociaux, l’égalité femme-homme ou la protection de l’environnement. Sur l’immigration, leur sujet de prédilection, les lepénistes de Bruxelles n’ont pas changé leur idéologie raciste et souverainiste. Les vérités de Bruxelles déconstruisent nettement la stratégie de « banalisation » imposée, depuis une dizaine d’années, par Marine Le Pen à ses troupes. À la transgression du père, la fille a substitué la dissimulation. Pour s’emparer d’un pouvoir qui s’est toujours dérobé, elle avance masquée. Et se glisse dans l’uniforme républicain en poliçant son discours et en occultant sa violence xénophobe. Cette habilité de faussaire s’est exprimée à l’occasion de l’attaque contre Israël : En prenant la défense de l’État hébreu et des juifs, la présidente du parti d’extrême droite a tenté d’effacer les pires saillies antisémites de son paternel. Un brevet de républicanisme ? À Gaza comme à Paris, sa doctrine implicite reste celle du prétendu choc des civilisations entre l’occident judéo-chrétien et l’islam. Si nous en sommes là c’est aussi parce que la droite, affranchit l’extrême droite par la surenchère de son discours sécuritaire et anti-migrants. Marine Le Pen et les siens n’ont même plus besoin de prendre la parole. Éric Ciotti, Olivier Marleix ou Bruno Retailleau vocifèrent à leur place. Aux élections législatives, dans bien des cas la macronie a préféré le vote du RN plutôt que celui en faveur du PCF, du PS, de la FI et de EELV. L’entrée si longtemps différée de 88 députés a permis au RN de s’institutionnaliser. Alors comment s’opposer à une éventuelle ultime conquête ? Le ministre de l’Intérieur multiplie les saillies et les sorties censées répondre aux angoisses identitaires. Peine perdue : on préférera toujours l’original à la copie. Du côté de Matignon et de l’Élysée, on se rassure en pensant que « Les Français verront, en 2027, toute l’incohérence de la politique économique et sociale du RN ». De récents sondages ont estimé que l’attitude irresponsable de la France Insoumise inspirait, dans l’opinion, une plus grande peur que le clan Le Pen. Si l’attitude et les sorties de la France Insoumise doivent être critiquées, de grâce ne nous trompons pas d’ennemis.

L’extrême droite plonge son histoire dans celle du fascisme européen mais elle a aussi hérité d’un national-populisme hexagonal, du boulangisme au poujadisme en passant par le mouvement antisémite contre Dreyfus et le pétainisme. Alors, faut-il diaboliser le RN et tendre autour de lui un cordon sanitaire pour l’enfermer et le discréditer dans son héritage? Ou faut-il, pour mieux le combattre, tenir compte des formes nouvelles que prennent les discours et les actes politiques du parti lepéniste?

L’expérience le montre, diaboliser n’a pas suffi pour faire reculer ses idées. C’est même l’inverse qui s’est produit avec le succès de ce que les médias ont appelé «la dédiabolisation». Comment donc se faire comprendre des millions de français∙e∙s qui n’hésitent plus à mettre dans les urnes un bulletin de vote RN? Les idées lepénistes sont entendues par eux parce quelles font écho à leurs conditions sociales dégradées mais aussi parce qu’elles leur suggèrent une vision sociétale et des solutions concrètes. Elles sont certes simplistes et dangereuses à nos yeux, mais c’est précisément parce qu’elles le sont qu’elles parlent à des catégories sociales apeurées par l’ampleur et la durée de la crise et surtout troublées par l’absence d’une perspective alternative clairement lisible à gauche.

Marine Le Pen revisite des thèmes qui parlent à l’imaginaire collectif de notre peuple: ainsi du détournement des idées républicaines et laïques contre l’islam et les musulmans avec un discours raciste désormais plus identitaire que biologique; ainsi du lien établi entre le social, le sécuritaire et linstrumentalisation fantasmatique de limmigration pour masquer les vraies causes de la précarité; ainsi de son discours antimondialiste et anti-européaniste dont elle se garde bien den faire un discours anticapitaliste.

Ce sont ces idées qu’il nous faut déconstruire en montrant qu’elles ne peuvent être l’outil pour comprendre les causes de la crise du système et qu’elles ne peuvent en aucun cas ouvrir une issue à celle-ci. Cela relève d’un combat politique et idéologique qu’il nous faut mener autour des enjeux d’aujourd’hui et non d’hier. Il est donc indispensable de s’atteler à définir et à nommer cette extrême droite du XXIe siècle pour mieux comprendre les raisons de son implantation et de son influence. Mais ne nous y trompons pas, l’électorat RN n’est pas composé de «fâchés pas fachos» et il ne suffira pas de faire reculer la pauvreté pour en finir avec lui. L’extrême droite constitue désormais une option politique permettant le maintien de la domination des forces de la conservation sociale à l’aide d’un capitalisme nationaliste et antidémocratique. C’est donc à une crise du sens même de la civilisation humaine qu’il faut attribuer son émergence et son installation durable.

Il faut nommer cette force politique pour ce qu’elle est: lextrême droite. Ce nest pas un hasard si cest le mot que le RN récuse avec force. Une extrême droite nationale-populiste, autoritaire, raciste et xénophobe, sexiste et homophobe, néolibérale sur le plan économique et écologique, néoconservatrice sur le plan des valeurs.

Seule une telle démarche peut permettre de faire reculer ses idées sur tous les terrains où s’exerce son influence. C’est aussi le meilleur moyen de construire d’une manière citoyenne une société alternative faite de solidarité et d’émancipation, de liberté et d’égalité, de fraternité et de sororité. Face à la vision lepéniste de la République, il faut opposer le projet d’une République sociale et écologique, laïque et citoyenne, pacifique et ouverte sur le monde.

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