La foule s’est massée, ce dimanche, sur la place
centrale d’Arras. Sans un bruit, sans un mot. Juste le long silence de la
dignité pour rendre hommage à Dominique Bernard. Deux jours après le meurtre de
ce professeur de français, poignardé par un ancien élève radicalisé, la
communauté enseignante, et toute la nation derrière elle, replonge dans le
cauchemar vécu il y a trois ans.
Samuel Paty avait été assassiné pour ce qu’il était et
faisait. Dominique Bernard a succombé pour les mêmes raisons. Tous deux
incarnaient ce lieu d’émancipation par le savoir qu’est l’école. Un lieu de
lutte contre les haines et l’obscurantisme, un lieu d’ouverture, de tolérance
et d’esprit critique. Un symbole de la République, devenu cible de tous les
fanatismes.
Difficile, face à ce drame répété, de ne pas éprouver
un sentiment d’injustice et de colère. Et la décision du gouvernement de
rehausser Vigipirate au niveau « urgence attentat », tout comme les
tentatives d’explication de Gérald Darmanin, masque mal l’impression
d’impuissance des pouvoirs publics. Quant à la droite et l’extrême droite,
elles n’ont pas perdu une minute pour se livrer à leur habituelle récupération
politique.
À peine le meurtre commis, Éric Ciotti, le président
LR, réitérait sa demande d’un référendum sur l’immigration, épaulé par tous les
élus RN qui se relaient depuis vendredi pour exiger la démission du ministre de
l’Intérieur et durcir les conditions d’expulsion des mineurs étrangers. Face au
deuil et à l’exigence de comprendre, ceux-là se vautrent dans les préjugés et
les amalgames. Une trahison même des idéaux que défendait Dominique Bernard.
Ces surenchères n’aident pas à la lutte complexe
contre les phénomènes de radicalisation. Et ne répondent pas plus à
l’inquiétude profonde du corps enseignant, qui refuse de travailler la peur au
ventre. L’État doit prendre toutes les mesures pour assurer la protection des
personnels et des élèves.
Mais cela ne peut passer que par un dialogue minutieux
et continu – largement absent ces dernières années – avec toute la profession.
Comme ses élèves et collègues en témoignent, Dominique Bernard savait faire
émerger l’intelligence dans ses cours. Le gouvernement pourrait s’en inspirer pour
honorer sa mémoire.
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