lundi 16 octobre 2023

« Mort d’avoir été professeur », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



La foule s’est massée, ce dimanche, sur la place centrale d’Arras. Sans un bruit, sans un mot. Juste le long silence de la dignité pour rendre hommage à Dominique Bernard. Deux jours après le meurtre de ce professeur de français, poignardé par un ancien élève radicalisé, la communauté enseignante, et toute la nation derrière elle, replonge dans le cauchemar vécu il y a trois ans.

Samuel Paty avait été assassiné pour ce qu’il était et faisait. Dominique Bernard a succombé pour les mêmes raisons. Tous deux incarnaient ce lieu d’émancipation par le savoir qu’est l’école. Un lieu de lutte contre les haines et l’obscurantisme, un lieu d’ouverture, de tolérance et d’esprit critique. Un symbole de la République, devenu cible de tous les fanatismes.

Difficile, face à ce drame répété, de ne pas éprouver un sentiment d’injustice et de colère. Et la décision du gouvernement de rehausser Vigipirate au niveau « urgence attentat », tout comme les tentatives d’explication de Gérald Darmanin, masque mal l’impression d’impuissance des pouvoirs publics. Quant à la droite et l’extrême droite, elles n’ont pas perdu une minute pour se livrer à leur habituelle récupération politique.

À peine le meurtre commis, Éric Ciotti, le président LR, réitérait sa demande d’un référendum sur l’immigration, épaulé par tous les élus RN qui se relaient depuis vendredi pour exiger la démission du ministre de l’Intérieur et durcir les conditions d’expulsion des mineurs étrangers. Face au deuil et à l’exigence de comprendre, ceux-là se vautrent dans les préjugés et les amalgames. Une trahison même des idéaux que défendait Dominique Bernard.

Ces surenchères n’aident pas à la lutte complexe contre les phénomènes de radicalisation. Et ne répondent pas plus à l’inquiétude profonde du corps enseignant, qui refuse de travailler la peur au ventre. L’État doit prendre toutes les mesures pour assurer la protection des personnels et des élèves. 

Mais cela ne peut passer que par un dialogue minutieux et continu – largement absent ces dernières années – avec toute la profession. Comme ses élèves et collègues en témoignent, Dominique Bernard savait faire émerger l’intelligence dans ses cours. Le gouvernement pourrait s’en inspirer pour honorer sa mémoire.

 

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