jeudi 12 octobre 2023

« Des mots pour le dire », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



« Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde », affirmait Camus. Quand ceux-ci se déchaînent, il arrive que les mots manquent. Ou qu’ils soient utilisés comme une arme de destruction massive du débat public. Dans des moments si éprouvants, si dangereux, la parole politique doit remettre du sens et de la raison, aux antipodes du spectacle affligeant donné par nombre de responsables en France, macronistes en tête, qui refusent de voir la complexité du monde, se pensant confortablement protégés derrière leurs lunettes manichéennes.

La première des responsabilités commandait de ne pas tortiller sur la condamnation des massacres abjects commis samedi dernier par le Hamas. Et de rappeler que rien, absolument rien ne peut justifier une telle cruauté et de telles exactions sur des civils. Comme rien, absolument rien ne peut justifier les mots du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, qui déclarait, lundi, au sujet du siège complet de la bande de Gaza : « Nous combattons des animaux. »

Les tueries commises par le Hamas ravivent un débat extrêmement malsain où la nuance n’est pas permise. Le refrain vallsiste ravageur et bas du front du « comprendre, c’est excuser » a repris du service. La moindre critique du gouvernement d’extrême droite israélien, le moindre rappel de la colonisation illégale, des résolutions de l’ONU bafouées sont susceptibles d’être balayés d’un revers de main par un procès en antisémitisme. Ces tartuffes réalisent-ils qu’ils sont ainsi en train de nourrir dangereusement l’antisémitisme, justement ?

La gravité de la situation, le risque d’une escalade mondiale appellent à un peu plus de sérieux et de dignité. Quand les familles israéliennes comptent encore leurs morts ; quand les 2 millions d’habitants de la bande de Gaza, eux aussi endeuillés, subissent un déluge de feu, n’ont plus ni eau ni nourriture, ne parviennent pas à s’enfuir, il est grand temps que les armes se taisent.

Le silence coupable et la lâcheté de nombreux pays occidentaux ne sont pas pour rien dans ce bain de sang. Les diplomates négocient les mots qui serviront à éviter les guerres. Ceux d‘« une paix durable » ont disparu de ce conflit, qui n’a pourtant rien d’inéluctable. « Nous avons réussi des choses impossibles, avait confié Yitzhak Rabin à François Mitterrand. Nous avons moins bien réussi les choses possibles. »

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