vendredi 4 août 2023

L’Arenh ou le pacte des profiteurs de crise, l’éditorial de Fabien Gay dans l’Humanité Magazine.

 


Ce pourrait être le titre d’un polar. Imaginez l’histoire : un pacte entre des traders, des fournisseurs alternatifs d’énergie profitant d’opportunes décisions gouvernementales pour tirer d’énormes bénéfices de la mise à terre de deux victimes : EDF, dépecée, et les usagers de l’électricité, rackettés.

L’Arenh, c’est ce système inventé de toute pièce sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour accélérer la libéralisation du secteur de l’énergie, sous l’impulsion de l’Union européenne. La seule véritable règle de ce système est de permettre aux acteurs alternatifs de revendre aux usagers – devenus des clients – l’électricité produite par EDF, plus chère que si lesdits usagers étaient restés chez EDF. Le tout, en leur faisant croire qu’ils allaient y gagner, et dans le seul but d’engranger des bénéfices.

Puis, pour emballer ce douteux paquet, des règles opaques, des objectifs de production tellement flous qu’ils ne seront jamais respectés, et une bonne couche de lâcheté politique des gouvernements successifs pour ne surtout rien remettre en cause. Tant pis si EDF s’endette, n’a plus les moyens de s’autofinancer pour investir ou d’entretenir ses infrastructures. Et tant pis si, dans le même temps, près d’un Français sur quatre se trouve en situation de précarité énergétique.

Si l’Arenh n’est pas responsable de tous les maux qui accablent le secteur de l’énergie, elle en est un des principaux symptômes, du moins la traduction d’une étape dans la recherche effrénée de libéralisation.

Déjà en 2010, c’était folie d’obliger EDF à vendre un quart de sa production au prix de 42 euros le Mégawattheure. Au lendemain d’une crise énergétique, où le Mégawattheure s’est échangé au prix de 1000 euros sur le marché en août 2022, persister avec l’Arenh est une aberration. D’autant que ces prix ne reflètent en rien le coût de la production, mais bien celui du trading.

Car en 2022, les acteurs alternatifs ont bien vu la manne financière qui s’offrait à eux : surévaluer leurs besoins avec un portefeuille clients conséquent, puis se défaire ensuite de l’essentiel de leurs clients pour revendre le surplus des quotas achetés 42 euros le Mwh… sept à huit fois plus sur le marché !

Et pendant qu’ils engrangent des milliards, 42 de bouclier tarifaire et de filet de sécurité auxquels s’additionnent les reventes d’Arenh, les Françaises et les Français ont vu leur facture augmenter de 15% en février et de 10% au 1er août.

Et l’amende record, appelée complément de prix par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), de près d’1,6 milliards d’euros sera redistribuée… aux acteurs alternatifs eux-mêmes. Dans ce mauvais polar, pas de happy end. Il est temps d’en finir avec ce pacte absurde.

Pour écrire la suite, il faudra tout rebâtir. A l’image de Marcel Paul, ministre communiste de la production industrielle de novembre 1945 à décembre 1946, il nous faut réfléchir, écrire, proposer et faire adopter une nouvelle loi de nationalisation de tous les secteurs énergétiques. S’y regrouperaient EDF, Engie et Total Energie sous une même bannière : GEDF, le Groupe Energie de France. Bénéficiant d’un monopole public, de la production en passant par le transport et jusqu’à la distribution de l’électricité, mais aussi avec le gaz et l’essence, ce nouveau groupe aurait à charge de décarboner l’énergie et de la rendre accessible à toutes et tous. De l’audace ! A vos stylos.

 

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