« En dernière instance, une émeute est le
langage de ceux qu’on n’entend pas. » Faut-il s’inspirer de Martin Luther King et donner du sens à ce qui est survenu
depuis le meurtre de Nahel ? Si l’on en croit
un sondage Elabe, une immense majorité de Français refusent de s’engager dans cette voie : 90 % estimeraient que la mort du jeune homme n’a constitué qu’un prétexte pour « casser ». Adopter cette thèse reviendrait dramatiquement à ne pas entendre. Ceci dit,
que faut-il « entendre » dans des scènes de
pillages et d’incendies qui ont produit autant d’images, mais aussi peu de paroles ? Notons au
passage le vide organisationnel qui domine dans les quartiers populaires. Rien
d’analogue au mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, qui avait, notamment
après la mort de George Floyd, encadré les manifestations et assuré le « portage » revendicatif.
Faute de mots d’ordre et de slogans, il faut donc
sous-titrer le film des « émeutes ». Selon le sociologue Romain Huët, elles « sont le signe d’une détresse politique ». Dans la « cité », ces jeunes ne sont jamais des jeunes : ils sont « des cités », des « banlieues », « issus de l’immigration »… L’accumulation
de relégations, sociale, spatiale et symbolique, s’incarne dans une sorte de
paradoxe ultime : les rencontres les plus fréquentes qu’ils ont avec des agents du service public – nous parlons ici de policiers – tournent trop souvent au contrôle d’identité sans raison, à l’intimidation, à l’humiliation. Et parfois à
la mort. La liste est désormais trop longue et établie depuis trop longtemps
(dès les années 1980) pour que persiste le déni : il y a bien un problème dans le rapport assigné par le
pouvoir à l’institution policière.
La France de 2023 n’est pas l’Amérique de 1967, mais
on ne manquera pas de trouver un puissant écho dans cette autre phrase du
leader du mouvement des droits civiques : « Aussi longtemps que l’Amérique remettra la justice à plus tard, nous serons dans la position de voir se répéter des des vagues
de violence. »
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