vendredi 7 juillet 2023

« Le sous-titre des émeutes », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité



«En dernière instance, une émeute est le langage de ceux quon nentend pas.» Faut-il sinspirer de Martin Luther King et donner du sens à ce qui est survenu depuis le meurtre de Nahel? Si lon en croit un sondage Elabe, une immense majorité de Français refusent de sengager dans cette voie: 90% estimeraient que la mort du jeune homme na constitué quun prétexte pour «casser». Adopter cette thèse reviendrait dramatiquement à ne pas entendre. Ceci dit, que faut-il «entendre» dans des scènes de pillages et dincendies qui ont produit autant dimages, mais aussi peu de paroles? Notons au passage le vide organisationnel qui domine dans les quartiers populaires. Rien d’analogue au mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, qui avait, notamment après la mort de George Floyd, encadré les manifestations et assuré le «portage» revendicatif.

Faute de mots d’ordre et de slogans, il faut donc sous-titrer le film des «émeutes». Selon le sociologue Romain Huët, elles «sont le signe dune détresse politique». Dans la «cité», ces jeunes ne sont jamais des jeunes: ils sont «des cités», des «banlieues», «issus de limmigration»… Laccumulation de relégations, sociale, spatiale et symbolique, s’incarne dans une sorte de paradoxe ultime: les rencontres les plus fréquentes quils ont avec des agents du service public nous parlons ici de policiers tournent trop souvent au contrôle d’identité sans raison, à l’intimidation, à l’humiliation. Et parfois à la mort. La liste est désormais trop longue et établie depuis trop longtemps (dès les années 1980) pour que persiste le déni: il y a bien un problème dans le rapport assigné par le pouvoir à l’institution policière.

La France de 2023 n’est pas l’Amérique de 1967, mais on ne manquera pas de trouver un puissant écho dans cette autre phrase du leader du mouvement des droits civiques: «Aussi longtemps que lAmérique remettra la justice à plus tard, nous serons dans la position de voir se répéter des des vagues de violence.»

 

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