« Société, tout est rétabli. » On pense à la douloureuse ironie de Rimbaud dans un de ses poèmes de mai 1871 où il évoque « les boulevards qu’un soir comblèrent les barbares ». Il va avoir 17 ans – on n’est pas sérieux
quand on a 17 ans – et, de retour à Charleville après un séjour à
Paris en avril, il apprend la chute de la Commune. Mais non, les violences
urbaines que nous venons de vivre ne sont pas la Commune. Les dégradations d’édifices
publics, les agressions contre les élus, les pillages, les incendies de bus et
des voitures des voisins ont choqué à juste titre la très grande majorité du
pays. Les jeunes impliqués, souvent très jeunes, n’avaient pas d’objectifs
politiques, de visée d’avenir, souvent pris entre rage et ivresse, vols
opportunistes et autodestruction de leur propre cadre de vie et celui de leurs
proches.
On ne peut oublier pour cela que c’est un jeune de
17 ans qui a été abattu. Non, ce n’est pas la Commune, mais comment ne pas
entendre ces mots – les hordes sauvages, les nuisibles… –, qui font
écho à ceux du jeune poète révolté ? Société, tout est rétabli. Pas sûr, et
maintenant ? Certainement, Emmanuel Macron ne va pas faire comme s’il ne s’était rien
passé. Il a réuni les maires, sans vraiment convaincre ; il
pourrait « parler aux
jeunes » mais pour
leur dire quoi ? Avec quelle désinvolture,
avec quel cynisme il a évoqué une « maladresse », s’agissant
du rejet du rapport Borloo. Avec quelle arrogance de classe il met en cause les
parents qu’il veut faire payer « dès la première connerie ». Ignore-t-il
vraiment que les mères de ces enfants sont aussi celles que l’on voit harassées
dans le métro après leurs heures de ménage, celles qui laissent seuls leurs
enfants pour aller garder ceux des beaux quartiers ? Que ces
parents sont ceux pour qui la vie est la plus difficile, à qui il veut infliger une double peine.
On a dit aussi que ces jeunes étaient la « génération Covid », pour qui
les confinements ont été les plus durs, ceux qui n’avaient pas de fermette à colombages au milieu des pommiers. On a dit que certains, les plus jeunes,
riaient devant les flammes comme s’ils se libéraient. On fait quoi, maintenant ?
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