Allison Glorieux. S’il fallait chercher des symboles,
le nom de l’une des représentantes syndicales CGT de Vertbaudet a ce petit
quelque chose de prédestiné. Comme un clin d’œil illustrant le courage
impressionnant de ces dizaines d’ouvrières qui, depuis le 20 mars, mènent
une grève exemplaire dans l’entrepôt de Marquette-lez-Lille (Nord) afin
d’obtenir 150 euros net d’augmentation par mois. Jusqu’ici, la plupart
d’entre elles n’avaient jamais osé cesser le travail. Mais étranglées par l’inflation,
méprisées par une direction qui les gifle d’un « + 0 % », elles ont « ouvert les yeux », comme elles disent. Les
voilà devenues l’emblème de la lutte contre les bas salaires. Et, au-delà, de
ces millions de femmes précaires refusant un destin tout tracé de smicardes à
vie.
Le combat des Vertbaudet, c’est la révolte de toutes
les invisibles. Il faut lire leur récit. À l’usine dès 4 h 45, toujours
debout pour tester, emballer, déplacer
poussettes et autres gigoteuses commandées en ligne. Le corps vite usé. Et, malgré tous les efforts, des fins de
mois dans le rouge. Pendant le confinement, ces travailleuses de « deuxième ligne » étaient portées aux nues par Emmanuel Macron, qui les a vite oubliées, et ne pipe mot depuis. Leur lutte relève aujourd’hui de la justice sociale la plus élémentaire. Mais aussi de la simple
dignité humaine.
À l’image des femmes de chambre de l’hôtel Ibis, les
révoltées de Vertbaudet sont un caillou dans les rouages de l’exploitation.
Depuis la reprise en 2021 de l’enseigne de puériculture par le fonds Equistone
Partners Europe, dirigé par Édouard Fillon – le fils de l’ancien premier
ministre –, l’ambiance s’est durcie, la pression accentuée. Les nouveaux
actionnaires, logique financière en bandoulière, pensaient marcher sur ces
travailleuses, imposer, fût-ce à la force des matraques, leurs primes en guise
de récompense. Tout faux. Confrontée à la solidarité des grévistes et leur
exigence résolue de vivre décemment de leur travail, la direction, longtemps
inflexible, se voit désormais contrainte d’ouvrir des négociations salariales.
Un début de reconnaissance pour les Vertbaudet. Qui pourrait bien « ouvrir les yeux » à beaucoup d’autres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire