vendredi 21 avril 2023

« Main basse sur la musique », l’éditorial de Marie-José Sirach dans l’Humanité.



La France, sa gastronomie, ses cathédrales, ses plages et ses festivals. Vous êtes plutôt lyrique, jazz, pop, metal, baroque, chanson, rock? Plus de 5000 festivals de musique vous accueillent chaque année, partout dans le pays, sur la place du village, en ville, sous chapiteau, dans des lieux patrimoniaux, au milieu des champs. La France, terre de festivals, clame le ministère de la Culture. Formidable, non?

Flairant la bonne affaire, de nouveaux acteurs se sont invités dans la partie ces dernières années. Et pas des moindres. Des consortiums américains (AEG, Live Nation), mais aussi des milliardaires très «made in France»: Bolloré, Lagardère, Marc Ladreit de Lacharrière. Rachats de festivals, de salles de spectacles, main basse sur les catalogues dartistes… Une véritable razzia sur la musique, les artistes et le public de plus en plus racketté. À la richesse, à la variété de rendez-vous créatifs et inattendus, viennent désormais se substituer des machines à cash qui s’imposent. D’un festival l’autre, on retrouve jour après jour la même programmation, les mêmes têtes d’affiche bankables pour attirer le chaland. Seule la recette compte. L’entertainment est roi.

Un système ultralibéral décomplexé, qui capte les subventions publiques mais se fiche pas mal du maillage territorial et de l’accès à la culture. Tant pis pour les artistes qui ne sont pas dans les bons catalogues, ils n’ont qu’à jouer dans la rue et se payer au chapeau. Tant pis pour le public, parqué dans des fan-zones XXL, assommé de décibels, dans des festivals au gigantisme inquiétant ou dans des salles surdimensionnées. Et tant pis si, pour un concert de deux heures d’une star mondiale, ce sont plusieurs 35 tonnes de matériel qui circulent sur les routes tous les jours de l’été. Dans ce système-là, la musique devient un produit de placement. Les artistes, une espèce en voie de disparition.

Face à cette dérégulation, à cette bulle festivalière qui risque d’exploser à tout moment, le ministère de la Culture ne pipe mot. Ça vous étonne? 

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