En 2014, le géant du e-commerce Amazon s’était mis en
tête d’utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer le recrutement de
ses effectifs. L’idée était simple : glisser des centaines de CV dans l’algorithme et récupérer en un clin d’œil les meilleurs profils. La machine a œuvré ainsi pendant des mois.
Jusqu’à ce que l’on s’aperçoive qu’elle discriminait les femmes. Normal, le
modèle informatique s’appuyait sur les CV reçus depuis dix ans, reflet de la
prédominance masculine dans le secteur des nouvelles technologies. Il en a
déduit que les hommes étaient préférables et qu’il fallait rejeter les
candidatures faisant référence au « féminin ».
L’anecdote vient rappeler que l’intelligence
artificielle est bien mal nommée. « Artificielle », elle ne le sera jamais vraiment. Le travail humain
restant toujours nécessaire pour la nourrir – avec la collecte de données – et
la corriger – avec l’emploi d’une main-d’œuvre précaire. Pas plus qu’on ne peut
la qualifier d’« intelligence » : elle ne crée pas de nouveauté mais utilise à grande échelle des
informations déjà existantes. En vérité, les humains ont moins à craindre de
l’IA elle-même que de l’exploitation qui en est faite. Pour le patronat, cet
outil, déjà présent dans de nombreux secteurs d’activité, est la promesse de démultiplier
la productivité en réduisant le plus possible les coûts de personnel. Un rêve
libéral imposé aux salariés sans aucune consultation malgré les chamboulements
profonds des conditions de travail.
Comme toute révolution technologique, l’intelligence
artificielle pose une redoutable question démocratique. Au service de qui
est-elle développée ? Et qui la contrôle ? L’ensemble de nos savoirs – ce bien commun – est aujourd’hui collecté, hébergé, exploité d’une manière ou d’une autre par Google, Amazon et tous les mastodontes des Gafam. Une
captation de valeurs qui ne fera que s’amplifier avec l’IA, l’extension de
cette technologie leur permettant d’étendre leur oligopole. Point besoin de
fantasmer une pieuvre informatique incontrôlable. Le danger est déjà
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