mardi 25 avril 2023

« Exploitation bien réelle », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l'Humanité.



En 2014, le géant du e-commerce Amazon s’était mis en tête d’utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer le recrutement de ses effectifs. L’idée était simple: glisser des centaines de CV dans lalgorithme et récupérer en un clin d’œil les meilleurs profils. La machine a œuvré ainsi pendant des mois. Jusqu’à ce que l’on s’aperçoive qu’elle ­discriminait les femmes. Normal, le modèle informatique s’appuyait sur les CV reçus depuis dix ans, reflet de la prédominance masculine dans le secteur des nouvelles technologies. Il en a déduit que les hommes étaient préférables et qu’il fallait rejeter les candidatures faisant référence au «féminin».

L’anecdote vient rappeler que l’intelligence artificielle est bien mal nommée. «Artificielle», elle ne le sera jamais vraiment. Le travail humain restant toujours nécessaire pour la nourrir – avec la collecte de données – et la corriger – avec l’emploi d’une main-d’œuvre précaire. Pas plus qu’on ne peut la qualifier d’«intelligence»: elle ne crée pas de nouveauté mais utilise à grande échelle des informations déjà existantes. En vérité, les humains ont moins à craindre de l’IA elle-même que de l’exploitation qui en est faite. Pour le patronat, cet outil, déjà présent dans de nombreux secteurs d’activité, est la promesse de ­démultiplier la productivité en réduisant le plus possible les coûts de personnel. Un rêve libéral imposé aux salariés sans aucune consultation malgré les chamboulements profonds des conditions de travail.

Comme toute révolution technologique, l’intelligence artificielle pose une redoutable question démocratique. Au service de qui est-elle développée? Et qui la contrôle? Lensemble de nos savoirs ce bien commun est aujourdhui collecté, hébergé, exploité dune manière ou dune autre par Google, Amazon et tous les mastodontes des Gafam. Une captation de valeurs qui ne fera que s’amplifier avec l’IA, l’extension de cette technologie leur permettant d’étendre leur oligopole. Point besoin de fantasmer une pieuvre informatique incontrôlable. Le danger est déjà

 

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