lundi 20 mars 2023

« La peur change de camp », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



À l’instant même où Élisabeth Borne activait le 49.3 contre la représentation nationale, jeudi, la première ministre concluait son coup de force par cette phrase surréaliste: «La démocratie parlementaire aura le dernier mot.» Drôle de façon de souligner la prééminence du pouvoir législatif en commençant par lui retirer le droit de vote. L’hôte de Matignon a beau essayer de sauver les apparences, le fonctionnement normal des institutions, même sous la très monarchique Constitution de la Ve République, ne consiste pas à s’essuyer les pieds sur l’Assemblée nationale faute de pouvoir la mettre au pas, en lui jetant comme un défi de censurer le gouvernement si elle l’ose.

Quoi qu’en dise la cheffe du gouvernement, le recours au 49.3 ne sera jamais une procédure démocratique acceptable parce que, même en cas de dépôt d’une motion de censure, le combat ne se joue pas à armes égales. L’exécutif, bien que minoritaire sur son projet, est outrageusement avantagé face à des députés majoritaires mais tétanisés par l’enjeu, qui dépasse le sort d’une loi. La Constitution n’offre aucune échappatoire à ceux dont la main tremble à l’heure du vote. L’abstention vaut soutien au gouvernement et, sans majorité absolue des 577 députés, pas de censure. L’exécutif le sait et en use. En cent fois qu’il a dégainé le 49.3 depuis 1958, jamais celui-ci n’a entraîné la chute d’un cabinet ministériel.

Aujourd’hui, pourtant, la peur a changé de camp, par-delà l’odieux chantage d’Emmanuel Macron, qui n’a pas hésité à braquer sur la tempe des députés l’arme de la dissolution de l’Assemblée nationale. La pression citoyenne est énorme et pourrait faire basculer le vote. L’enjeu de fond, pour le mouvement social et la majorité des Français, est d’empêcher coûte que coûte la réforme des retraites. Le reste, comme le sort d’Élisabeth Borne et de ses ministres, est secondaire. Soit les députés font valoir le droit que la Constitution leur octroie. Soit les syndicats et l’opposition de gauche feront tout pour que le dernier mot revienne à la majorité populaire, d’une manière ou d’une autre

 

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