« Ce sont des heures perdues que nos enfants ne retrouveront
jamais. » Cette phrase, plusieurs parents d’élèves nous l’ont soufflée
après nous avoir alertés du non-remplacement d’un professeur
absent dans le collège ou le lycée de leurs enfants. Alors que
la fin du premier trimestre scolaire se profile, ce problème, dénoncé depuis des
années par la communauté éducative de Seine-Saint-Denis, ne se
résorbe pas. Les exemples de non-remplacement se multiplient partout, quelles
que soient les matières.
« Au collège Françoise-Héritier de Noisy-le-Sec, mon fils n’a pas eu
de cours d’histoire depuis la rentrée de septembre. Son enseignante, en congé
maladie, n’est pas remplacée », regrette Saïda Kadem, présidente de
l’association locale de parents d’élèves FCPE. Elle a déposé une alerte sur le
site ouyapacours.fr, développé par le syndicat pour
permettre aux familles de signaler les heures de classe perdues.
Au lycée Charles-de-Gaulle de Rosny-sous-Bois, ce sont deux enseignantes en
congé maternité qui n’ont pas été remplacées depuis début septembre. « On
pouvait pourtant anticiper. Le rectorat dit qu’il n’y a pas de professeur
d’espagnol disponible. Quant à l’allemand, une personne a été nommée mais elle
a été de suite placée en arrêt maladie. Depuis, il ne se passe rien. Du coup,
on a demandé à tous les parents de contacter l’académie de Créteil, car on sait
que pour obtenir gain de cause, il faut faire du bruit ! », décrit
une représentante de la FCPE.
Au collège Michelet de Saint-Ouen, une professeure d’Allemand remplaçante
est enfin arrivée, le 15 novembre, pour occuper le poste d’une collègue en
congé maternité depuis septembre. « On a tout fait pour trouver quelqu’un,
on a mis des annonces sur des sites comme LinkedIn, contacté l’association
d’amitié franco-allemande… C’est finalement le bouche-à-oreille qui nous a
permis de trouver. La remplaçante a entendu parler du poste en discutant avec
un collègue d’un autre collège », relate une parente d’élève.
À Montreuil, un professeur d’histoire vient également tout juste d’être
nommé au collège Lenain-de-Tillemont pour un remplacement sur un poste vacant depuis le début de
l’année scolaire. « C’est une contractuelle qui a contacté
le rectorat quand elle a appris qu’un remplacement était nécessaire chez
nous », décrit un enseignant de l’établissement.
Au lycée Paul-Robert des Lilas, aucun remplaçant n’a été affecté sur
le poste d’un enseignant d’anglais absent depuis fin septembre. « Il y a
des classes de terminale qui n’ont pas de professeur alors qu’elles passent le
bac cette année. Il va se passer quoi pour elles ? », s’interroge une
mère d’élève. Au collège Albert-Camus de Neuilly-sur-Marne, c’est un professeur
de technologie qui manque à l’appel. « Un départ à la retraite n’a pas été
remplacé. On a du mal à comprendre comment c’est possible », s’interroge
une représentante de la FCPE.
« Parents et lycéens se sentent abandonnés,
délaissés, méprisés »
Même cas de figure au lycée Evariste-Galois de Noisy-le-Grand, où plusieurs
classes n’ont pas de cours de physique ou d’anglais depuis plus de deux mois.
« Parents et lycéens se sentent abandonnés, délaissés voire méprisés par
le système », dénoncent des parents dans une pétition.
L’enseignement professionnel connaît lui aussi des difficultés. « Au
lycée Jean-Moulin de Rosny-sous-Bois, il manque un professeur de gestion
administration, un de commerce-vente et un d’animation depuis septembre ainsi
qu’un demi-poste en biotechnologie depuis la Toussaint. Certains enseignants
ont pris le relais pour pallier les absences, mais ce n’est pas tenable. Nos
élèves sont en colère, ils se rendent bien compte que leur scolarité est en
danger », souligne un professeur.
« On ne sait pas si c’est pire que les autres années, mais ce qui est
sûr, c’est qu’il y a des non-remplacements partout », affirme Anne Pieter,
coprésidente de la FCPE 93, qui précise que des familles s’apprêtent à saisir
le tribunal administratif sur ce problème déjà dénoncé en 2018 dans un rapport parlementaire.
Depuis, le plan de rattrapage pour la Seine-Saint-Denis déployé par le
gouvernement — et critiqué par les syndicats
d’enseignants pour son manque d’ambition — n’a visiblement pas
réglé la question.
De son côté, la direction académique assure que dans « l’immense
majorité des près de 200 établissements de Seine-Saint-Denis, il n’y a pas de
problématique particulière liée au remplacement. En revanche, quelques
situations locales, corrélées aux problématiques de recrutement, sont suivies
avec attention en lien avec les autorités académiques ».
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