Le Conseil
européen a dû reporter au 12 janvier la signature du traité commercial
entre l’Union européenne et les pays de la zone Mercosur, sous la pression des
mouvements paysans. Pourquoi il ne faut pas que ce traité soit signé ni en
décembre, ni en janvier ?
Sous la
pression des mouvements paysans, le Conseil européen a été contraint de
reporter au 12 janvier prochain la signature du traité commercial entre
l’Union européenne et les pays de la zone Mercosur – Brésil, Uruguay, Paraguay,
Argentine, auxquels s’ajoute la Bolivie.
Cette petite
mise en scène cache, une nouvelle fois, le fond d’un texte dont l’unique
objectif est de renforcer la spécialisation de l’Amérique latine dans une
agriculture industrialisée et chimisée, le pillage de ses minerais rares et
l’ouverture de ses marchés aux industries européennes, en particulier
allemandes.
Aucun gouvernement français n’a proposé de modifier le
traité
Le président de
la République française ment lorsqu’il explique qu’il veut changer « la
nature du traité ». Les négociations sont closes depuis le
6 décembre 2024. Il a validé le contenu du texte en 2019. En septembre,
puis en novembre dernier, il a affirmé à plusieurs reprises que ce texte
contenait des « éléments positifs ».
Depuis six ans,
aucun gouvernement français n’a proposé de modifier le traité ou le mandat de
négociation de la Commission européenne. La semaine dernière encore, alors que
le Parlement européen votait une résolution pour des « clauses de
réciprocité » (ou clauses miroirs), visant notamment à imposer que les
normes sanitaires et environnementales des pays du Mercosur soient élevées au
niveau de celles de l’Union Européenne, la Commission européenne a torpillé le
texte du parlement lors de la réunion de négociation entre le Parlement européen,
la Commission et le Conseil dit trilogue.
Baisse des normes sanitaires et environnementales
En réalité, ces
fameuses « clauses miroirs » consistent, pour la Commission et le
Conseil, à abaisser sans cesse les normes sanitaires et environnementales en
vigueur au sein de l’UE afin de faciliter « le libre-échange
capitaliste », « le libre commerce » et d’aller toujours plus
loin dans l’application du principe de « concurrence libre et non
faussée », au détriment des travailleurs-producteurs et des citoyens-consommateurs.
Ajoutons deux
questions politiques majeures : l’anti- démocratie et le service aux
transnationales.
Antidémocratie :
le traité est désormais scindé en deux volets. L’un, portant sur la coopération
politique, devrait être soumis au vote des parlements nationaux. L’autre, bien
plus important, porte sur le volet « commercial ». Or, comme le
commerce international relève, selon les traités européens, de la compétence
exclusive de la Commission européenne, il ne sera pas soumis au vote des
parlementaires nationaux. Ainsi, un traité discuté de bout en bout à l’abri des
regards des peuples n’est même pas soumis à leurs représentants, pour laisser
la main aux grandes multinationales.
Service aux
transnationales : le traité comprend un prétendu « mécanisme de
rééquilibrage » qui permet aux grandes sociétés capitalistes de demander
des compensations si une mesure prise par l’un des blocs de pays affecte
« défavorablement le commerce ». Voilà qui réduit à néant toute
clause de sauvegarde ou clause miroir. Ainsi, si l’Union européenne refuse sur
son territoire le bœuf aux hormones et aux antibiotiques, ainsi que le soja OGM
et traité avec des herbicides interdits, elle devra payer une amende aux
sociétés transnationales, y compris européennes, qui pourraient juger que ces
normes freinent le commerce et donc leurs profits.
Faux prétextes et vraies exonérations fiscales pour
les multinationales
Enfin, depuis
quelques jours, un argument nouveau est avancé pour culpabiliser celles et ceux
qui refusent ce catastrophique traité : il serait nécessaire de le signer,
pour compenser la faiblesse de l’UE sur la scène internationale. On peut alors
se demander pourquoi l’Union européenne n’a pas travaillé main dans la main
avec le président Lula et les pays des « BRICS » lors de la récente
conférence sur le climat qui s’est tenue à Belém.
On peut
également s’interroger sur les raisons pour lesquelles la présidente de la
Commission européenne s’est agenouillée devant Trump sur son parcours de golf
en Écosse, et pourquoi notre Parlement continue d’exonérer les grandes
multinationales du numérique à base nord-américaine de toute fiscalité. En
vérité, nous connaissons les raisons : protéger le capitalisme mondialisé
et ses oligopoles. L’Union européenne pourrait pourtant se renforcer et jouer
un autre rôle « géopolitique » en protégeant une agriculture
nourricière et en modernisant considérablement ses capacités industrielles,
tout en tenant compte des exigences écologiques et sociales et surtout en
cessant de se baigner dans un atlantisme destructeur.
C’est un
nouveau projet coopératif d’échanges et d’investissement qu’il conviendrait de
rechercher avec les pays d’Amérique du Sud. Cela implique d’être lucide sur le
grand bluff en cours. Le traité MERCOSUR ne doit pas être signé. Ni en
décembre, ni en janvier.

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