À quoi rêve la jeunesse de ce pays, si tant est qu’elle rêve encore ?
Certainement pas à aller combattre au front, à mourir pour le drapeau, comme
l’évoque le chef d’état-major des
armées, au congrès des maires, outrepassant qui plus est ses prérogatives. L’occasion fut trop belle,
voire préparée, pour le président de la République, qui s’est empressé de
dévoiler son nouveau joujou, juste avant Noël : réhabiliter le service
militaire.
Après avoir fait tout le lobbying possible en faveur du service national
universel, le fameux SNU, la Macronie a dû reconnaître l’échec de son projet,
qui devait être généralisé l’année prochaine. Exit le SNU et sa gabegie
financière de 10 milliards d’euros, voici le nouveau service national militaire, qui, comme son nom l’indique, a une
vocation plus… militaire.
D’après le président, il existe une génération prête à se lever pour la
patrie. Le service national militaire recrutera donc 3 000 volontaires en
2026 et verra son effectif augmenter pour atteindre 10 000 volontaires par
an en 2030, puis 50 000 en 2035. Et, là où il y a une volonté, il y a un
chemin. Qu’à cela ne tienne, même en période d’austérité et de chasse à la
dépense publique, ce projet présidentiel se verra octroyer un budget de
2,3 milliards d’euros. Rien n’est jamais trop beau pour l’économie de guerre.
En plein marasme et malgré l’impasse budgétaire, ne proposant que la
précarité, le délitement des services publics, du tissu associatif, le déclin
et l’inaction climatiques, pourtant cheval de bataille de la jeune
génération, le président est à des
années-lumière des aspirations de la jeunesse. Cela fait des mois que le gouvernement prépare les esprits à la guerre,
allant même jusqu’à inviter chacun et chacune à préparer un kit de survie…
Il ne s’agit pas de nier ou de sous-estimer les tensions internationales.
L’existence de la guerre à nos frontières depuis bientôt quatre ans est réelle
avec la menace d’un président russe capable de tout. Mais le choix de cette
thématique, dans cette temporalité, est une nouvelle offensive du président
pour asseoir et restaurer son autorité, en tant que chef des armées.
À défaut de pouvoir offrir à la jeunesse un dessein radieux, un travail au
salaire décent, un logement, un enseignement de qualité permettant
l’émancipation, Macron leur dessine une autre voie et s’offre une armée
« new generation » mais calquée sur le modèle de l’ancien service
militaire : maniement des armes, chants militaires, marche au
pas, etc. Le nouveau monde à l’ancienne ! Le garde à vous et la mise
au pas, au premier sens du terme, de toute une génération.
Servir son pays de cette façon serait pour le président le modèle
par excellence du patriotisme, de l’engagement, de la citoyenneté. Et, bien évidemment, ce n’est pas la
jeunesse dorée, les enfants des beaux quartiers, les fils à papa qui seront
envoyés dans cette voie… La convention de partenariat entre l’Association des
maires de France et l’état-major des armées constituera un levier pour des
campagnes de recrutement dans la ruralité et les villes populaires.
La guerre qui enrichit les industriels se nourrit sur une main-d’œuvre
constituée des plus fragiles ou de celles et ceux qui ont une certaine
fascination pour la guerre, pour les armes ou qui sont proches de certains
groupuscules d’extrême droite, obsédés par l’ordre et la sécurité. À l’heure où
une partie de la société, de la jeunesse, appelle, au contraire, au
désarmement, Macron ne fait que nourrir la militarisation des esprits.
« L’humanité est maudite, si pour
faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement », lança Jaurès dans son discours à
la jeunesse en 1903. Le président serait bien inspiré de le lire avant que l’on
ne soit tous contraints de mettre au pied du sapin de Noël des fusils pour nos
enfants.

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