Fabien Gay,
rapporteur de la commission sénatoriale qui a chiffré à 211 milliards
d’euros le montant des aides publiques versées aux entreprises, participait ce
jeudi à un débat à l’université de rentrée du Medef.
On peut être en
terrain hostile et croiser tout de même des admirateurs. Le sénateur communiste
et directeur de l’Humanité, Fabien Gay, rapporteur de
la commission parlementaire qui a chiffré à 211 milliards d’euros le
montant total des aides publiques versées aux entreprises en 2023, en a fait
l’expérience ce jeudi 28 août en déambulant dans les allées
verdoyantes du stade de Roland-Garros, privatisé
depuis mercredi et pour deux jours par le Mouvement des entreprises de France
(Medef) pour son université de rentrée.
« Je le trouve très inspirant parce qu’il a une approche très
pragmatique, très éclairante », commente Patrick Artola, administrateur de l’organisation patronale dans
le Pays basque. Le chef d’entreprise a tenu à venir saluer le sénateur, qu’il
suit sur les réseaux sociaux, et
à le féliciter d’avoir porté la contradiction au cœur de la grand-messe à la
gloire des entrepreneurs.
Devant une
vaste pelouse verte piquée de transats où discutent hommes en costumes et
femmes en tailleurs, les deux natifs du Sud-Ouest font un brin de causette. Les
considérations sur les campings au Pays basque cèdent vite le terrain à
l’absence de transparence et de conditionnalités sur les aides publiques
versées aux entreprises.
« Je ne suis pas du même bord que vous, mais j’ai beaucoup suivi vos
travaux et j’ai beaucoup aimé votre attitude », félicite aussi Michel Sanson, président du Geco Food
Service, qui fournit des services aux entreprises de restauration hors
domicile.
L’homme à la
veste à carreaux est venu serrer la main de Fabien Gay à la sortie
du débat. Au passage, il a fustigé l’attitude vindicative de Christelle
Morançais, la présidente de la région Pays de la Loire, qui a accusé le
rapporteur de la commission sénatoriale de « stigmatiser les
entreprises ».
Sur le cours central de Roland-Garros,
où l’on s’échange d’habitude des coups droits, revers et smashs, l’élue passée
de LR à Horizons, qui s’est fait connaître par ses coupes drastiques dans le
budget culture de sa région, est montée au filet contre le communiste, soudain
décrié comme un empêcheur de tourner en rond.
« Les entreprises ne veulent pas d’aides, qui sont très compliquées à
obtenir. Ce qu’il faut, c’est arrêter totalement ces aides. Mais,
derrière, baisser les impôts de production, qui sont les plus élevés du
monde », a-t-elle
lancé, reprenant à son compte une vieille revendication réaffirmée la veille
par le président du Medef, Patrick Martin.
« L’argent public ne peut pas servir les
actionnaires »
Jusque-là,
Fabien Gay avait pourtant fait preuve de pédagogie et de diplomatie en évoquant
la nécessité de poser des garde-fous à ces aides publiques. Pourtant peu
suspect d’être acquis, le public patronal semblait
avoir d’ailleurs apprécié, à en croire les applaudissements à l’issue de sa
première intervention, lorsqu’il a rappelé quelques évidences au sujet de ces
211 milliards d’euros versés annuellement aux entreprises.
D’abord, « si
on veut recréer de la confiance, il faut de la transparence », quand
pour l’instant, personne n’est vraiment capable de dire à quoi correspondent et
comment fonctionnent les 2 200 dispositifs d’aides existants.
Aiguillonné par
la présidente de région, le sénateur a haussé le ton.
La conditionnalité est un autre impératif, a-t-il insisté, rappelant que les
110 milliards d’euros d’argent public versés de 2013 à 2018 aux
entreprises au titre du CICE (crédit d’impôt de compétitivité pour l’emploi)
n’avaient permis de créer que 100 000 emplois, « loin du million
promis par le Medef à l’époque ».
Surtout, a
martelé le sénateur dans son costume bleu vif, « les aides peuvent être
utilisées pour l’emploi, pour les investissements, pour la recherche. Mais l’argent public ne peut pas
servir les actionnaires ».
Dans un débat
dominé par les discours plaintifs sur le
« trop de normes » qui entraverait l’entreprise, et
bordélisé par les interventions hors-sol de l’écrivain à succès Alexandre
Jardin, créateur du gazeux mouvement des Gueux, le directeur de l’Humanité
s’est fait écho de la colère sociale alimentée dans le pays par un fort
sentiment d’injustice.
« Vous ne pouvez pas soutenir un budget d’austérité pour saigner
les travailleurs et les travailleuses et ne poser aucune question sur les aides
aux entreprises ou aux ultrariches ! »
Au passage,
Fabien Gay a taclé la posture du patronat français et son goût du double
standard : « En réalité, je n’ai jamais rencontré de vrais
libéraux. Tout le monde parle de moins de droits, moins de barrières, moins de
protection pour les travailleurs et les travailleuses. Mais les mêmes,
lorsqu’il y a une difficulté, exigent des États des plans de soutien, de
relance. » Le débat entre Patrick Martin et Fabien Gay à la
prochaine Fête de l’Humanité s’annonce comme un match retour
savoureux.

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