Dans
le Midi, le blé se fait rare, du fait qu’il est le plus souvent remplacé par
l’orge et l’avoine. Quelle que soit la céréale cultivée, ce n’est pas son
opulence de l’été qui nous touche le plus, mais les éteules après les moissons.
Au plus haut de leur gloire, le blé comme l’orge, couvrent la terre d’une
pelisse couleur de paille, parfois dorée, parfois plus pâle, où éclate le rouge
vif des coquelicots. Dans l’orge, quelques graminées jaunes ou bleues émergent
quelquefois. Ces tapis ondulent sous le vent avec une souplesse féline, et leur
houle semble s’échouer contre les routes comme des vagues sur une plage. Ils
sentent la farine et le pain, le chaud de l’été, la paille des moissons, les
greniers, la terre sèche, le four des boulangers. Ils abritent des nichées de
cailles et de perdrix dont on aperçoit parfois les parents inquiets dans les
lisières, le long des haies. Ils demeurent sans cesse animés d’une vie qui
vient de loin, du temps où les hommes cuisaient des galettes dans des foyers de
terre. Aujourd’hui, on trouve de plus en plus de champs de maïs. On les
traverse aisément sans les abîmer : il suffit de se glisser dans une rangée
entre les pieds qui sont assez espacés pour livrer le passage. On s’y aventure
volontiers, pour couper court et gagner la rivière. Les maïs chuchotent,
murmurent, délivrent des secrets. Même la nuit, sous la lune, ils ne cessent de
commenter ce qui se passe autour d’eux et ce dont demain sera fait. En plein
après-midi, leur ombre d’église verte est d’une agréable fraîcheur. On
s’allonge sur la terre chaude entre les plus hauts pieds, et on les écoute, et
ils parlent des hommes ; ils les jugent distants, pas assez soigneux des
lisières, et redoutables par leurs engrais. Ils prétendent que la chimie les a
changés, qu’ils ne ressemblent plus au maïs d’hier, et ils en souffrent. On les
console comme on peut, en leur avouant que la chimie a aussi changé nos vies,
et on soupèse leurs épis dont les grains, d’un jaune tendre, ont besoin de
mûrir. On en arrache la barbe : ces filaments soyeux que les anciens faisaient
bouillir en infusion, et servaient aux enfants, à s’harnacher de moustaches
factices. La douce blondeur des maïs se situe à la hauteur exacte de la douceur
de leur murmure. Ils savent ce qui les attend, mais ils ne se plaignent pas. À
peine si, au début de l’automne, ils frémissent en voyant s’avancer ces
machines modernes et qui vont les dévaster en moins d’une demi-journée. Les
labours de l’automne, les grands lambeaux de terre charmée, d’un marron gras et
luisant, forment de profonds sillons dominés par des lèvres épaisses qui
parlent : elles racontent leur patience infinie, le sommeil de l’hiver et
l’essor du printemps. Elles disent leur acceptation de la blessure, des grains
qui vont tomber, de la force souterraine qui viendra éclore à la surface, comme
chaque année depuis que les hommes ont inventé le labour. Derrière les
tracteurs, se rassemblent les passereaux. Il faudra un nouvel automne pour
qu’elle s’ouvre de nouveau sous un soc qui la fécondera
mercredi 6 août 2025
Nouvelle « LES MOISSONS »
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Isère : ce que l’on sait sur l’agression d’un maire grièvement blessé dans sa commune.
Gilles Dussault, le maire d’un petit village de l’Isère, a été agressé dans sa commune avec son fils par un homme armé d’un objet contonda...

-
La mort de Paul Laurent, emporté soudainement et en pleine force a touché profondément les communistes. Évoquer sa mémoire est pour moi un...
-
Depuis les résultats de l’élection municipale de Villeneuve-Saint-Georges, les commentaires qui fleurissent sur la toile me donnent le tou...
-
Monsieur le Maire, Mesdames, messieurs les élu-e-s Mesdames, messieurs, Cher-e-s ami-e-s, En ce début des journées du patrimoine, ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire