Falaise : Dans son magnifique dernier
roman, Qui après nous vivrez (Rivages/Noir), l’écrivain Hervé
Le Corre imagine une humanité futuriste en perdition, mélange de désolation et
de guerres, sur une Terre à bout de souffle. Catastrophes climatiques, famines,
pandémies, conflits armés.
Le narrateur finit par dire : « On voyait chaque jour le
monde imploser mais on était trop peu nombreux à se rebeller. Les gens
s’imaginaient qu’ils échapperaient au pire. Ils achetaient des climatiseurs,
des téléphones neufs, ils prenaient des avions, ils regardaient les guerres sur
leurs écrans, soulagés qu’elles se déroulent loin d’eux, pleurnichant de temps
à autre sur les malheurs du monde pour mettre à jour leur bonne
conscience. »
Et ce dernier ajoute : « Pendant ce temps perdu, les
maîtres de ce monde-là conduisaient à pleine vitesse vers le bord de la falaise
et nous demandaient à nous, pauvres cons, de retenir le bolide pour l’empêcher
de basculer. Ils pensaient peut-être qu’ils parviendraient à sauter en marche
et quelques-uns ont dû le faire… »
Erreur : Analogie trop belle… Éclairés par les dernières lumières
fossilisées du monde d’avant, nous continuons donc de marcher en espérant
vaguement que la fatigue et le temps atténuent nos douleurs, parce que c’est
une façon de rester debout, même si, dans notre République sens dessus dessous,
alors que la démocratie elle-même se trouve désormais en danger, nous ne voyons
plus beaucoup d’issue autre qu’une VIe République, la Ve étant
arrivée au bout de son histoire et ne saurait renaître de ses cendres.
Le couple formé par Mac Macron II et son premier sinistre s’apparente à une
obstination bestiale dans l’erreur. Il faut se pincer pour y croire, tant ce
« nouveau » gouvernement allie idéologiquement libéralisme économique
et conservatisme moral. La trajectoire d’un grand nombre des ministres et
autres secrétaires d’État illustre le poids de la droite de la droite. Nous
pensions assister à un « changement », mais nous avons découvert une
Restauration, une vraie de vraie !
Chacun a pourtant bien compris que cette équipe ministérielle de bric et de
broc, la septième sous l’ère du prince-président en son royaume pourri, est
surtout vouée à une chute à court terme, susceptible de sauter à tout moment.
Le premier sinistre et tous ses affidés, qui n’ont aucun programme autre que
quelques bagages et de vieux engagements, sont en réalité pris entre le marteau
de la droite réactionnaire et l’enclume de Fifille-la-voilà.
Collusion : Il aura d’ailleurs suffi que le
jeune ministre de l’Économie tente d’imposer sa ligne anti-RN à Bercy, en
déclarant, fort justement, que « le Rassemblement national
n’appartient pas à l’arc républicain », pour que son premier sinistre
le sermonne vertement. Un témoin de la scène raconte : « Il
s’est pris une grosse soufflante. Encore une comme ça et dehors ! »
Mais il y eut plus grave. L’hôte de Matignon a osé décrocher le téléphone
pour rassurer Fifille-la-voilà de vive voix. Nous savions que ce gouvernement
était dans la main du RN. Mais l’épisode, honteux, signe la collusion totale.
Les masques tombent un peu plus. Respecter le Parlement est une chose ;
construire un partenariat privilégié avec l’extrême droite et se coucher
littéralement devant elle en est une autre.
Meilleure preuve, le ministère de l’Économie a été poussé à rédiger un
communiqué aux allures de rétropédalage : « La situation
économique et financière de la France réclame une concertation large des élus
de la nation. » Ou comment baisser son pantalon. Le ministre de
l’Économie avait voulu faire de la politique, sauf que la
« neutralité » du RN est évidemment une condition de la longévité de
l’équipe gouvernementale. Comme si le passé et l’Histoire ne servaient plus à
rien.
Comme si l’avenir était impossible à concevoir. Alors ils s’accrochent au
présent comme un alpiniste bloqué sur une corniche par le mauvais temps, qui
empêchera les secours d’arriver, avec l’espoir qu’une faille s’ouvre dans la
montagne. L’irréversible chaos se profile : nous aurons à la fois une crise de
régime… et le déshonneur d’un exécutif prêt à tout.
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