samedi 28 septembre 2024

« Désolation(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin



Falaise : Dans son magnifique dernier roman, Qui après nous vivrez (Rivages/Noir), l’écrivain Hervé Le Corre imagine une humanité futuriste en perdition, mélange de désolation et de guerres, sur une Terre à bout de souffle. Catastrophes climatiques, famines, pandémies, conflits armés.

Le narrateur finit par dire : « On voyait chaque jour le monde imploser mais on était trop peu nombreux à se rebeller. Les gens s’imaginaient qu’ils échapperaient au pire. Ils achetaient des climatiseurs, des téléphones neufs, ils prenaient des avions, ils regardaient les guerres sur leurs écrans, soulagés qu’elles se déroulent loin d’eux, pleurnichant de temps à autre sur les malheurs du monde pour mettre à jour leur bonne conscience. »

Et ce dernier ajoute : « Pendant ce temps perdu, les maîtres de ce monde-là conduisaient à pleine vitesse vers le bord de la falaise et nous demandaient à nous, pauvres cons, de retenir le bolide pour l’empêcher de basculer. Ils pensaient peut-être qu’ils parviendraient à sauter en marche et quelques-uns ont dû le faire… »

Erreur : Analogie trop belle… Éclairés par les dernières lumières fossilisées du monde d’avant, nous continuons donc de marcher en espérant vaguement que la fatigue et le temps atténuent nos douleurs, parce que c’est une façon de rester debout, même si, dans notre République sens dessus dessous, alors que la démocratie elle-même se trouve désormais en danger, nous ne voyons plus beaucoup d’issue autre qu’une VIe République, la Ve étant arrivée au bout de son histoire et ne saurait renaître de ses cendres.

Le couple formé par Mac Macron II et son premier sinistre s’apparente à une obstination bestiale dans l’erreur. Il faut se pincer pour y croire, tant ce « nouveau » gouvernement allie idéologiquement libéralisme économique et conservatisme moral. La trajectoire d’un grand nombre des ministres et autres secrétaires d’État illustre le poids de la droite de la droite. Nous pensions assister à un « changement », mais nous avons découvert une Restauration, une vraie de vraie !

Chacun a pourtant bien compris que cette équipe ministérielle de bric et de broc, la septième sous l’ère du prince-président en son royaume pourri, est surtout vouée à une chute à court terme, susceptible de sauter à tout moment. Le premier sinistre et tous ses affidés, qui n’ont aucun programme autre que quelques bagages et de vieux engagements, sont en réalité pris entre le marteau de la droite réactionnaire et l’enclume de Fifille-la-voilà.

Collusion : Il aura d’ailleurs suffi que le jeune ministre de l’Économie tente d’imposer sa ligne anti-RN à Bercy, en déclarant, fort justement, que « le Rassemblement national n’appartient pas à l’arc républicain », pour que son premier sinistre le sermonne vertement. Un témoin de la scène raconte : « Il s’est pris une grosse soufflante. Encore une comme ça et dehors ! »

Mais il y eut plus grave. L’hôte de Matignon a osé décrocher le téléphone pour rassurer Fifille-la-voilà de vive voix. Nous savions que ce gouvernement était dans la main du RN. Mais l’épisode, honteux, signe la collusion totale. Les masques tombent un peu plus. Respecter le Parlement est une chose ; construire un partenariat privilégié avec l’extrême droite et se coucher littéralement devant elle en est une autre.

Meilleure preuve, le ministère de l’Économie a été poussé à rédiger un communiqué aux allures de rétropédalage : « La situation économique et financière de la France réclame une concertation large des élus de la nation. » Ou comment baisser son pantalon. Le ministre de l’Économie avait voulu faire de la politique, sauf que la « neutralité » du RN est évidemment une condition de la longévité de l’équipe gouvernementale. Comme si le passé et l’Histoire ne servaient plus à rien.

Comme si l’avenir était impossible à concevoir. Alors ils s’accrochent au présent comme un alpiniste bloqué sur une corniche par le mauvais temps, qui empêchera les secours d’arriver, avec l’espoir qu’une faille s’ouvre dans la montagne. L’irréversible chaos se profile : nous aurons à la fois une crise de régime… et le déshonneur d’un exécutif prêt à tout.

 

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