mardi 18 juillet 2023

« Gangrène », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité.



Il est des postures de déni proprement sidérantes. Dans sa réponse à la déclaration du Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale, qui exhorte la France à s’attaquer sérieusement au racisme dans la police, le Quai d’Orsay prétend que «toute accusation de racisme ou de discrimination systémique par les forces de l’ordre en France est infondée», et que «toute mesure de profilage ethnique par les forces de lordre est interdite». C’est interdit, ça n’existe pas. Fermez le ban. La note de la Dilcrah (la délégation interministérielle contre le racisme) intitulée «Police et racisme», enterrée par le gouvernement et révélée par l’Humanité, témoigne pourtant du contraire. Elle alertait, en juillet 2021, «sur certaines pratiques policières s’apparentant explicitement à du racisme». À la même date, un rapport rendu au ministre de l’Intérieur sur «la lutte contre les discriminations dans laction des forces de sécurité» dressait le même constat: «Dans lutilisation de leurs prérogatives légales, les forces de sécurité sont susceptibles de comportements inadmissibles.»

Oui, le racisme est au soubassement de la plupart des violences policières. Il gangrène tous les rapports sociaux, il meurtrit une fraction importante de la société française, étrangère ou d’origine étrangère (soit près de 21% de la population française), mais aussi lensemble des générations nées de parents français assignées à une origine différente. En France, les personnes de provenance étrangère ou perçues comme telles sont davantage exposées au chômage, à la précarité, à l’échec scolaire, aux difficultés de se loger, de se soigner. «Lexpérience répétée des discriminations et leur nature systémique ont des conséquences délétères et durables sur les parcours individuels, les groupes sociaux concernés et plus largement sur la cohésion de la société française», relevait, en 2020, le Défenseur des droits.

Le racisme, dans ses manifestations violentes, haineuses, spectaculaires, comme dans ses expressions quotidiennes, dissimulées, sournoises, empoisonne la vie de millions de personnes en France. Il détruit le lien social. Le faire reculer implique des luttes, des solidarités concrètes. Mais aussi des sanctions judiciaires réellement dissuasives et des politiques publiques sérieuses, résolues, propres à défaire la dimension systémique des discriminations fondées sur l’origine.

 

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